Le musée de la Poste donne carte blanche à Véronique Béland pour s’affranchir du poids des mots

Le Musée de La Poste propose une nouvelle variation contemporaine de ses espaces en donnant carte blanche à l’artiste Véronique Béland. Du 7 juin 2025 au 26 avril 2026, S’affranchir – Le poids des mots s’invitera parmi les timbres et les boîtes aux lettres, dans une immersion sensorielle et poétique qui vient sublimer les collections permanentes. L’exposition questionne notre rapport aux multiples formes de communication.

Diplômée du Studio national des arts contemporains Le Fresnoy et de l’Université du Québec, Véronique Béland est une artiste franco-québécoise dont la pratique navigue entre arts numériques et littérature. Elle explore la façon dont les machines, bien que dénuées de conscience, peuvent générer récits et images qui stimulent notre imagination. À l’aide de la programmation et de l’intelligence artificielle, elle crée des œuvres qui rendent perceptibles des phénomènes habituellement imperceptibles. À la croisée de l’art, de la science et de l’archivage, ses recherches inventent de nouvelles manières de raconter le monde. Depuis 2005, ses créations ont été exposées au Canada, aux États-Unis, au Japon, en France, en Allemagne, en Belgique et ailleurs.

Pour cette exposition, Véronique Béland propose trois expériences artistiques dans lesquelles le public joue un rôle central. Ce triptyque numérique a été réalisé en collaboration avec l’ingénieur Guillaume Libersat, son collaborateur de longue date.

Tel un messager de l’invisible, l’œuvre Recombinaison nous délivre un message cosmique. Il suffit de poser la main sur une stèle en bois, surmontée d’une véritable météorite, pour qu’un petit bout de papier en sorte, porteur d’un présage venu du cosmos. Grâce à un capteur tactile, les ondes radio stimulent un algorithme générant un poème spatial unique à chaque interaction. Chaque vers varie selon l’intensité et la position de notre paume. L’œuvre traduit les phénomènes cosmogoniques en langage humain, faisant écho aux premières machines télégraphiques capables de transmettre des messages codés sur de longues distances. Ainsi, la circulation de l’information ne cesse de profiter des avancées techniques pour en accroître vitesse, portée et précision.

Baptisant l’exposition de son nom, l’installation S’affranchir (le poids des mots) nous ramène aux origines de la transmission postale. Elle invite les visiteurs à écrire au dos d’une carte. Les récits, poèmes ou confidences ainsi déposés se transforment ensuite en dessin géographique. Une fois glissée dans l’écrin situé sous un bras robotisé, la carte déclenche un processus : à l’aide du calcul exact du poids de nos mots, des motifs hexagonaux se dessinent peu à peu. Ce langage géométrique fait écho, en parallèle, aux poids étalons utilisés dans les systèmes de mesure, ainsi qu’au maillage orthogonal de la topographie, servant à représenter les variations d’un terrain. Une manière d’évoquer les territoires traversés par les lettres que l’on envoie. (MPoste04) // (MPoste05)

Le titre S’affranchir joue sur un double sens : à la fois l’acte d’embrasser la liberté d’expression, et celui de peser les mots avant leur envoi. On repart du musée avec le souvenir unique de sa phrase, traduite en cartographie sensible.

Enfin, Véronique Béland nous invite à franchir une faille spatio-temporelle en donnant la parole à l’image. Ce concept phare, qu’elle développe depuis 2010, mêle photographie et son. Des images parlantes, que l’on regarde en écoutant les récits de l’artiste à travers un casque. Ici, il s’agit d’une prise de vue des réserves du musée réalisée au sténopé. Pendant de longues heures, l’artiste a imaginé ce qui se cache derrière ces portes closes.

Elle évoque les « coulisses d’un univers possible », où, parmi d’autres merveilles, se trouverait « une boîte aux lettres à paillettes rouges, en attente d’un envoi ». Partant d’une observation factuelle, L’inventaire du visible nous invite à entrevoir ce que l’on ne voit pas tout à fait, stimulant notre imagination en écho à celle de l’artiste.

Pensée, selon les propres mots de l’artiste, comme un « dialogue discret entre l’art contemporain et les mémoires de la télécommunication », l’exposition S’affranchir – Le poids des mots établit un lien subtil entre le message et le mystère. Dans ce cadre patrimonial chargé d’histoire, se distillent des fragments de présence. Bâti en 1973, le Musée de La Poste continue d’œuvrer magnifiquement en tant que carrefour des voix du passé, confrontées aux évolutions du présent. En témoigne cette poétique carte blanche accordée à Véronique Béland.

Candice Guettey

Du 7 juin 2025 au 26 avril 2026

Musée de La Poste, 34 Bd de Vaugirard 75015, Paris.

Ouvert tous les jours de la semaine de 11h à 18h à l’exception du lundi.