Jean Gabin disait que faire un bon film nécessitait premièrement, une histoire, deuxième, une histoire et troisièmement une histoire. Cette vérité fracassante s’applique tout autant à la création théâtrale. En tête des arguments à mettre en avant pour se ruer, une fois de plus, au Rive Gauche pour la nouvelle pièce écrite et mise en scène par Jean-Philippe Daguerre, l’histoire de ce petit coiffeur, mi héro, mi bourreau mi martyr, dont le destin à l’automne de la seconde guerre mondiale, va basculer pour avoir commis l’erreur de tomber amoureux de la mauvaise personne. Mauvaise personne du point de vue des bienpensants. Car souvent, les injonctions sociales ravagent tout sur leur passage. 5 rôles magnifiquement construits nous tendent un miroir. Qui sommes-nous pour juger des choix de l’autre. Et puis ne vit on pas ce que l’on peut, bien davantage que ce que l’on veut ?
Dans une scénographie parfaite élaborée en split-screens, chacun d’eux dévoilera les facettes les plus nobles, les plus douces, les plus honnêtes de leur personnalité. Mais aussi celles qu’on tait, celles qu’on cache, celles dont on ne veut s’avouer à soi-même qu’elles nous constituent tout autant. A nos corps défendant, à nos cœurs et âmes oscillant entre l’amour, la peur et la haine. Le temps n’est plus à dépeindre des personnages caricaturaux. Les parfaits d’un côté et les salauds de l’autre. Ne croyons pas d’ailleurs que cette romance douce-amère ne pourrait faire sens en cette époque maudite où le souci de l’image a définitivement pris le pas sur le fond, l’intériorité, la nuance, la contradiction de nos sentiments les plus intimes.
Daguerre tisse un labyrinthe où des individus se perdent et se retrouvent tour à tour. La raison les guide vers le pire, celui-là même qui leur faisait horreur chez l’ennemi ou le voisin. Faire acte de résistance –puisque c’est au fond ce qu’évoque en filigrane « Le petit coiffeur » – commence par une lutte contre soi-même, ses pulsions les plus sombres, son désir de vengeance, son envie d’en découdre au risque de refuser la pénible vérité intérieure. Et jusqu’où serons-nous prêts à aller… et dans quel but ? Laver son honneur ou se battre pour la vie quel qu’en soit le prix à payer ? Le cinéma pourrait bien, comme ce fut le cas pour « Adieu Monsieur Haffmann », faire les yeux doux à un auteur qu’on croirait bâti pour écrire des histoires que Gabin aurait adorées.
David Fargier – Vents d’Orage
Le pitch : Août 1944, Chartres vient tout juste d’être libérée de l’Occupation allemande.
Dans la famille Giraud, on est coiffeur de père en fils, et c’est donc Pierre qui a dû reprendre le salon-hommes de son père, mort dans un camp de travail un an plus tôt. Marie, sa mère, héroïne de la Résistance française, s’occupe quant à elle du salon-femmes, mais se charge également de rabattre quelques clientes vers son fils, pour se prêter à une activité tout à fait particulière…
Tout est dans l’ordre des choses, jusqu’à ce que Lise entre dans leur vie.
Le petit coiffeur, de Jean-Philippe Daguerre
Mise en scène : Jean-Philippe Daguerre ; Avec : Félix Beauperin, Arnaud Dupont, Brigitte Faure, Romain Lagarde et Charlotte Matneff
Jusqu’au 16 décembre 2020, du mardi au dimanche
Reprise et prolongation du 11 au 29 septembre 2021
Théâtre Rive Gauche, 6 rue de la Gaîté, 75014 Paris