En salle depuis le 27 août, Next Film Distribution & Valdés présentent le nouveau documentaire de Jean-Gabriel Leynaud Le Sang et la Boue : un véritable coup de poing qui nous plonge au cœur du Sud-Kivu, en République démocratique du Congo, là où, dans le sang et la boue, les destins s’enlisent, pris dans l’engrenage d’une économie mondiale qui tue.

A travers le portrait d’Ujumbé, creuseur obstiné qui rêve d’Amérique, ce n’est pas seulement un quotidien qui se dessine, mais toute une société qui se révèle. Ce travail, nécessaire au monde pour alimenter notre confort numérique, dévoile la fracture entre ceux qui profitent de la technologie et ceux qui en paient le prix. Ce documentaire est la preuve que chaque geste, chaque effort, devient le reflet d’un système global où les richesses circulent à sens unique.
« Le seul choix, c’est de creuser jusqu’à la mort », dit Ujumbé. Mais son expérience individuelle reflète celle de toute la région, où l’extraction du coltan alimente à la fois nos technologies mais surtout les conflits locaux. « Le monde ne peut plus se passer de notre coltan, et ce sont eux qui alimentent la guerre chez nous ». Derrière ces mots, c’est tout un pays qui se révèle : riche en ressources mais prisonnier de la demande mondiale, obligé d’extraire ce minerai pour répondre aux besoins de l’industrie internationale. Les revenus sont concentrés entre quelques mains, la corruption prospère, et la majorité de la population paie le prix fort d’une richesse qu’elle ne voit jamais.
L’école n’échappe pas à cet engrenage. Les enfants y apprennent, comme une comptine, la liste des minerais du pays. Mais ce rituel sonne comme une propagande pour une jeunesse condamnée et invitée à se réjouir d’un « cadeau de Dieu » qui, en réalité, condamne sa survie. À dix ans, l’école n’est plus du tout une promesse d’avenir, mais un simple détour avant la mine ; car le soir venu, ces mêmes enfants quittent la classe pour descendre dans les carrières à la recherche du fameux trésor : « Si je tombe sur le minerai noir, je me paye des chaussures ou un uniforme » avoue même l’un d’eux à la caméra.
Le reportage montre alors l’horreur d’un quotidien fait de pertes humaines et de risques constants que prennent petits et grands pour vivre d’une richesse qui ne leur profite jamais. Un habitant résume avec amertume : « Nous avons tout en termes de faune, de flore, de sol et de sous-sol. C’est un paradis, mais nous vivons en enfer. »
Regarder ce documentaire, c’est accepter une révélation crue : la vie et la mort des creuseurs font exister ces images, et chaque plan que nous voyons, porte le poids de leur quotidien et de leurs sacrifices. Ce film n’existe finalement que grâce aux dangers affrontés et aux vies perdues par ceux qui creusent. Un choc qui transforme le visionnage en leçon d’humanité et qui force à mesurer le vrai prix de ce que nous tenons pour acquis.
Avec cette production, Leynaud met le spectateur face à une vérité insoutenable : nos objets du quotidien reposent sur un système qui transforme une richesse en malédiction. Le coltan est le miroir d’un monde où le confort des uns repose sur l’exploitation des autres.
Jacques Gehringer Delcroix
Le Sang et la Boue de Jean-Gabriel Leynaud – Documentaire – Next Film Distribution & Valdés
Durée : 1h34