Quel théâtre, tout juste centenaire, de la rive droite accueille quatre très bons acteurs dans une comédie dramatique où l’on rit tout en étant souvent ému ?
C’est bien sûr le magnifique Théâtre de la Madeleine qui dans son décor Modern’ Style des années trente nous propose en fin de semaine à 19h « Le vertige ».
Un jeune avocat en pleine ascension professionnelle organise sur la terrasse de son domicile parisien une réception pour fêter la naissance de sa fille. Suite à un blocage des volets de la terrasse, quatre personnes vont passer la soirée à huis clos : notre avocat, son frère musicien, une amie d’enfance qui essaie en vain d’être actrice et un autre ami d’enfance, avocat lui-aussi et qui travaille sous la direction du premier. C’est l’occasion d’une confrontation plutôt cruelle entre ces quatre quadragénaires. Le film de Claude Sautet,
« Vincent, François, Paul et les autres », est bien sûr présent dans tous les esprits, si ce n’est que dans « Le vertige » on rit tout autant que l’on est ému, et c’est cette dualité de sentiments qui fait l’originalité et la force de cette pièce.
La pièce est courte et le rythme est enlevé. Les piques méchantes et humoristiques se succèdent et les quatre protagonistes sont tour à tour l’objet des attaques féroces de leurs trois partenaires. Selon son humeur et sa sensibilité, le spectateur est attendri ou hilare. On regrette toutefois que ces quatre personnages aient des destinées trop marquées : l’avocat est vraiment détestable d’égoïsme, l’actrice ratée est vraiment ratée, … Une certaine nuance, une certaine subtilité dans la définition des personnages aurait donné plus de réalisme à la pièce sans forcément lui faire perdre ses ressorts comiques. En revanche, un aspect très positif de ce texte est son écriture équilibrée qui accorde une égale importance à chacun des quatre protagonistes. L’avocat qui organise la réception en l’honneur de sa fille, est bien sûr au centre du drame ; mais ce rôle central lui est contesté par l’actrice qui a tissé des liens avec les trois autres protagonistes ; sans oublier non plus le musicien qui est le symétrique inverse de l’avocat, et le collaborateur de ce dernier qui est la principale source de comique de la pièce. Il résulte de cette construction équilibrée une grande convivialité et une complicité au sein de la troupe des acteurs que les spectateurs ressentent et apprécient.
Enfin, les quatre acteurs portent remarquablement la pièce. Alexis Moncorgé interprète avec crédibilité un avocat volontaire et un peu tyrannique qui plie son entourage à ses volontés : une volonté en marche se traduisant par une présence physique de l’acteur qui occupe tout l’espace de la scène et face à laquelle le musicien et l’artiste apparaissent comme hésitants. Anne-Sophie Germanaz lui fait face dans le rôle de cette actrice fragile qui sait néanmoins prendre beaucoup d’épaisseur lors d’une splendide tirade que, pour notre plus grand bonheur, elle énonce face au public dans un geste théâtral très classique qui impose le silence au public. Arthur Fenwick incarne avec beaucoup de sensibilité et de justesse ce jeune musicien déçu dans toutes ses entreprises, mais dont le souvenir s’imposera à toute la famille. Enfin, Andy Cocq est la force comique de ce spectacle : ilvirevolte allègrement entre ses trois partenaires pour dispenser de-ci de-là des notes drôles et méchantes qui égayent toute la salle.
Une mise en scène classique et efficace et des décors réalistes contribuent à faire de de ces soixante-quinze minutes de théâtre une réussite qui ravit les spectateurs. On rit et on est ému. Que demander de plus ?
Dépêchez-vous de vous y rendre avant que le bouche à oreille ne vous réduise aux places de dernier rang !
Philippe Raimbourg
Du 1er février au 24 mars 2024
Le vertige de Hadrien Raccah. Mise en scène de Serge Postigo. Avec Andy Cocq, Alexis Moncorgé, Anne-Sophie Germanaz, Arthur Fenwick
Du jeudi au samedi à 19h – Le dimanche à 18h
Théâtre de la Madeleine, 19 rue de Surène, 75008 Paris