Le village aux portes du paradis : un regard tendre sur l’importance de la famille en temps de conflit.

Dans le désert de Somalie, près de la mer se dresse Paradis, un petit village où vivent Mamargade, son fils Cigaal et sa sœur Araweelo. Mamargade cumule les petits boulots pour subvenir aux besoins de son fils et de sa sœur, en plein divorce. Alors que la guerre civile fait rage dans le pays, Araweelo et Mamargade tentent désespérément de continuer leur vie. Araweelo est une femme discrète au fort tempérament. Elle veut ouvrir son propre atelier de couture et ne recule devant rien pour réaliser son souhait. Lorsque les conflits s’intensifient près du village, Mamargade doit prendre la dure décision d’envoyer son fils dans un internat, pour sa sécurité et lui assurer une éducation. Le village aux portes du paradis est un film intime, au plus proche d’une réalité violente à laquelle s’adapte tant de monde.

Le village aux portes du paradis est le premier long métrage du réalisateur d’origine somalienne et autrichienne Mo Harawe. Dans son film, le réalisateur explore l’aspect géopolitique paradoxal de la Somalie, un pays en proie à de nombreux conflits qui mettent à mal la sécurité de ses habitants et le développement du pays, malgré des paysages à couper le souffle, le littoral et ses plages. Paradis, le village où se déroule le film, fictif, est un moyen pour le réalisateur d’explorer ce paradoxe. Le village en bord de mer semble être un endroit idéal, la vie n’y est pas parfaite mais le cadre peut laisser flotter une idée de calme et de paix. Pourtant, le film s’ouvre sur un extrait de journal télévisé anglophone concernant les attaques au drone en Somalie.

Mo Harawe avait dès le début du projet à cœur de conter un récit le plus réaliste possible au travers de personnages humains, parfois maladroits, mais dont l’amour et les désirs rappellent cette humanité. Mamargade ment à sa sœur et à son fils, il vole de l’argent à Araweelo pour payer l’éducation de Cigaal, il enchaîne les boulots et se met en danger. Chaque décision de Mamargade, pourtant maladroite, témoigne de son envie d’aider ceux qu’il aime. Araweelo est une femme froide, elle semble distante et pourtant, elle reste toujours aux cotés de sa famille, elle est loyale et ambitieuse.

Le tournage du film s’est fait en Somalie et le réalisateur a tenu à ce que l’équipe du film soit entièrement locale. Ces choix participent à l’atmosphère intime et parfois proche du documentaire. Les acteurs du film à l’exception de l’actrice d’Araweelo se trouvaient pour la première fois devant la caméra. On ressent en regardant le film tout le travail de Mo Harawe dans la création d’une œuvre simple mais résolument engagée.

Le village aux portes du Paradis est un très beau film. Mostafa el-Kashef, le directeur de la photographie et Mo Harawe ont collaboré ensemble sur ce long métrage pour la première fois et ont tous les deux eu à cœur de rendre le film le plus authentique possible par l’image. Il était important pour eux d’éviter les clichés vus habituellement dans les films tournés sur le continent africain. La mise en scène, bien que simple, se construit autour de la beauté des paysages, de la couleur des vêtements, des bâtiments. Une harmonie naturelle se crée dans les plans et accompagne le récit à l’image d’un conte. Mo Harawe garde son désir d’authenticité dans la mise en scène du film tout en y instaurant une poésie naturelle.

Le village aux portes du paradis est un film poétique, où l’importance des liens familiaux nous rappelle que tout vaut la peine d’être vécu.

Claire Maguet

Au cinéma le 9 avril