L’estampe révélée : trois millénaires de signes et d’images au musée Cernuschi

Au musée Cernuschi, l’exposition Chine, empreintes du passé, Découverte de l’antiquité et renouveau des arts 1786-1955, dédiée à l’estampage chinois propose une traversée claire et sensible de trois millénaires d’images et de signes. Le parcours, riche de prêts venus de Chine et de collections parisiennes, éclaire une pratique souvent méconnue, à mi-chemin entre l’érudition et la création.

Les premières salles plongent dans l’univers des vases rituels en bronze, dont certains datent de 3000 ans. On découvre comment des lettrés comme le moine Liuzhou ont patiemment observé, relevé et transmis les inscriptions gravées sur ces objets. Portraits miniatures, estampages de cithares accompagnés de poèmes, rouleaux montrant des lettrés en pleine conversation : l’ensemble restitue une atmosphère studieuse et délicate, où chaque geste compte.

La section suivante surprend par son énergie. Briques, tuiles, monnaies, sceaux rouges, pains d’encre : tout devient matière à reproduction. Liu Zhou y compose des estampages foisonnants, presque chaotiques, qui rompent avec les codes. Le XIXᵉ siècle, longtemps relégué dans l’ombre, apparaît soudain comme un moment d’invention.

La calligraphie occupe ensuite une place centrale. Les stèles anciennes inspirent de nouveaux styles, les sentences parallèles se réinventent, et le papier rouge des vœux familiers retrouve une présence éclatante. L’exposition culmine avec Wu Changshuo, dont les pivoines de 1902 semblent s’ouvrir directement depuis les bronzes calligraphiés. Son geste mêle mémoire et liberté, rappelant l’origine pictographique des caractères chinois.

La dernière salle élargit le regard. Une stèle égyptienne reproduite en Chine, les influences croisées de Victor Segalen, ou encore la découverte des os oraculaires montrent que l’histoire de l’estampage n’a jamais cessé de circuler. Le parcours s’achève avec Huang Binhong, dont les paysages d’encre, presque abstraits, traduisent une recherche intérieure nourrie de l’épigraphie.

Sobres et précises, les œuvres réunies ici rappellent que l’estampage n’est pas qu’une technique : c’est un langage. Un langage qui relie les objets aux idées, les siècles aux artistes, et les signes à notre regard d’aujourd’hui.

Julie Goy

Du 7 novembre 2025 au 15 mars 2026

Musée Cernuschi Musée des arts de lAsie de la Ville de Paris, 7 avenue Velasquez, 75008 Paris

Ouvert de 10h à 18h du mardi au dimanche. Fermeture les lundis, le 25 décembre, le 1er janvier

https://www.cernuschi.paris.fr/fr/expositions/chine-empreintes-du-passe-decouverte-de-lantiquite-et-renouveau-des-arts-1786-1955