120 ans d’histoire(s) de la plus grande course cycliste du monde qui racontent l’épopée plus que centenaire du Tour, de la première course en 1903 jusqu’à nos jours, en passant par l’âge d’or des grands champions. Richement illustré de centaines de photographies, ce récit épique, mis en scène sur 176 pages, nous emmène sur les traces patrimoniales de la Grande Boucle et ses traditionnelles 21 étapes qui nous font visiter la France profonde sous toutes ses facettes.
« Le coureur trouve dans la Nature un milieu animé avec lequel il entretient des échanges de nutrition et de sujétion », note subtilement Roland Barthes dans Mythologies. Telle étape maritime (Le Havre-Dieppe) sera iodée, apportant à la course énergie et couleur ; telle autre (le Nord), faite de routes pavées, constituera une nourriture opaque, anguleuse : elle sera littéralement « dure à avaler » ; telle autre encore (Briançon-Monaco), schisteuse, préhistorique, engluera le coureur. Toutes posent un problème d’assimilation, toutes sont réduites par un mouvement proprement poétique à leur substance profonde, et devant chacune d’elles, le coureur cherche obscurément à se définir comme un homme total aux prises avec une Nature-substance, et non seulement avec une Nature-objet. Ce sont donc les mouvements d’approche de la substance qui importent : le coureur est presque toujours représenté en état d’immersion et pas en état de course : il plonge, il traverse, il vole, il adhère, c’est le lien au sol qui le définit, souvent dans l’angoisse et dans l’apocalypse de la course.
Le tremplin escarpé et exigeant du Pays basque, les escapades haletantes et vertigineuses dans les Pyrénées ou le Massif central brûlant, arpenté ventre à terre, ont marqué les esprits et les corps à la veille du 14 juillet. Et nourri les questions, surtout une : le Tour est-il trop dur ? Jean-René Bernaudeau, manager de l’équipe Total Energies, tranche dans Le Figaro : « Trop dur ? Non. Ce qui est dur dans le Tour, c’est de ne pas le faire. Je fais la sélection, il y a des coureurs qui restent à la maison et qui aimeraient bien en baver. Ce sont les coureurs qui font la course. L’étape d’Issoire (10e) était complètement folle. Je n’ai jamais vu les meilleurs coureurs mettre ainsi les curseurs au maximum tout de suite. Au bout de 20 km, l’engagement était irréel. Les étapes de transition n’existent plus. Alors, non, le Tour n’est pas trop dur. Sur le Giro, il fait souvent mauvais, il y a beaucoup de montagne. Sur la Vuelta, il y a beaucoup d’arrivées au sommet. »
L’étape du Tour qui subit la personnification la plus forte, c’est l’étape du Mont Ventoux. Les grands cols, alpins ou pyrénéens, pour durs qu’ils soient, restent malgré tout des passages, ils sont sentis comme des objets à traverser ; le col est trou, il accède difficilement à la personne ; le Ventoux, lui, a la plénitude du mont, c’est le dieu du Mal, auquel il faut se sacrifier. Véritable Moloch, despote des cyclistes, il ne pardonne jamais aux faibles, se fait payer un tribut injuste de souffrances. Physiquement, le Ventoux est affreux : chauve (atteint de séborrhée sèche, dit l’Équipe), il est l’esprit même du sec ; son climat absolu (il est bien plus une essence de climat qu’un espace géographique) en fait un terrain damné, un lieu d’épreuve pour le héros, quelque chose comme un enfer supérieur où le cycliste définira la vérité de son salut, soit par pur prométhéisme, opposant à ce dieu du Mal, un démon encore plus dur (Bobet, Satan de la bicyclette).
« Le Tour dispose donc d’une véritable géographie, conclut Roland Barthes. Comme dans l‘Odyssée, la course est ici à la fois périple d’épreuves et exploration totale des limites terrestres. Ulysse avait atteint plusieurs fois les portes de la Terre. Le Tour, lui aussi, frôle en plusieurs points le monde inhumain : sur le Ventoux, nous dit-on, on a déjà quitté la planète Terre, on voisine là avec des astres inconnus. Par sa géographie, le Tour est donc recensement encyclopédique des espaces humains ; et si l’on reprenait quelque schéma vichien de l’Histoire, le Tour y représenterait cet instant ambigu où l’homme personnifie fortement la Nature pour la prendre plus facilement à partie et mieux s’en libérer. »
L’histoire officielle du Tour de France – dont les auteurs sont Serge Laget, Luke Edwardes-Evans et Andy Mcgrath, – revient sur les réussites héroïques des légendes du Tour, d’Eddy Merck, Bernard Hinault et Miguel Indurain à Hugo Koblet, Charly Gaul, Frédérico Bahamontès, Louison Bobet, Fausto Coppi, Jacques Anquetil et Raymond Poulidor et aujourd’hui Jonas Vingegaard ou Julien Alaphilippe. Aux côtés des meilleurs cyclistes de la planète, plongez dans le sillage des équipes mythiques du Tour confrontées aux étapes contre-la-montre, en ligne ou de montagne jusqu’aux Champs-Elysées.
Entre traditions et innovations, nous suivons avec curiosité et intérêt les évolutions de l’une des épreuves sportives les plus suivies au monde. Les documents d’archives, maillots, anecdotes historiques ou encore résultats et statistiques détaillés de chaque année du Tour, ici rassemblés raviront tous les fans de cyclisme.
Christian Duteil
L’histoire officielle du tour de France
Editions Marabout – paru le 14 juin 2023 – 176 pages – 29,90 €