L’Institut du monde arabe nous plonge dans Le mystère Cléopâtre

Du 11 juin 2025 au 11 janvier 2026, l’Institut du monde arabe à Paris consacre une grande exposition à la dernière reine d’Égypte, Cléopâtre VII. Figure historique incontournable et fascinante, tour à tour célébrée comme déesse, érudite, diplomate ou dénoncée comme séductrice manipulatrice, elle continue de nourrir l’imaginaire collectif. À travers 250 œuvres et objets couvrant la période antique à nos jours, l’exposition Le mystère Cléopâtre propose de revisiter son histoire et ses multiples représentations.

Revenir sur l’histoire de Cléopâtre ne peut se faire sans rappeler l’écrin de connaissances multiculturelles dans lequel s’inscrit son règne. L’exposition s’ouvre donc sur une introduction à l’histoire de la dynastie des Ptolémées et à la fondation d’Alexandrie par Alexandre le Grand en 331 av. J.-C. Accédant au trône en 52 av. J.-C., Cléopâtre s’impose comme une cheffe d’État habile, d’origine macédonienne mais proche des traditions égyptiennes. Soutenue par les prêtres et le peuple, elle bâtit des temples à Coptos et Dendérah, protège les paysans et se distingue comme reine érudite, cultivée dans la prestigieuse bibliothèque d’Alexandrie.

Cette introduction historique s’illustre visuellement par la présentation de plusieurs œuvres antiques et objets archéologiques. Parmi les pièces phares exposées : des portraits antiques présumés de Cléopâtre et de César (Ier siècle, Louvre), un masque doré de momie (323–30 av. J.-C.), ou encore un papyrus gynécologique rédigé en grec au IIe siècle av. J.-C.

On insiste également sur les échanges entre le monde grec et le monde égyptien. Une relation bi-nationale qui transparaît dans le syncrétisme des cultes religieux et des savoir-faire.

Toutes les Cléopâtre

Le cœur de l’exposition accueille un état des lieux ludique et foisonnant des évocations et représentations de Cléopâtre. De la littérature aux beaux-arts, jusqu’au septième art, toutes les facettes et perceptions de la dernière reine d’Égypte sont présentées.

Insérée ingénieusement et poétiquement dans la scénographie, l’œuvre About 2 inches-long, réalisée par l’artiste grecque Esmeralda Kosmatopoulos, nous ramène au nez de Cléopâtre. Objet de toutes les attentions, au grand dam de ses exploits politiques et historiques, l’artiste façonne 50 sculptures de nez issues des représentations picturales exposées dans la suite de l’exposition. Cette œuvre entre en résonance avec la célèbre citation de Pascal : « Si le nez de Cléopâtre eût été plus court, toute la face du monde aurait changé. »

L’exposition insiste sur la manière dont la mémoire de Cléopâtre fut façonnée, opposant la légende noire de la propagande romaine à la légende dorée des Égyptiens. Plus tard, les écrivains arabes la réinventèrent en figure maternelle et savante. En Occident, du XVIe au XIXe siècle, elle devient un sujet privilégié des arts : peintures, sculptures, gravures, égyptomanie post-napoléonienne et orientalisme l’érigent en héroïne exotique et sensuelle.

Épisode phare mais aussi fatidique de son destin, son suicide lors de la bataille d’Actium en 30 av. J.-C. devient l’objet de tous les fantasmes et réinterprétations postmodernes.

Des artistes majeurs comme Giambattista Tiepolo, Pompeo Batoni ou Lavinia Fontana témoignent de la façon dont chaque siècle a forgé « sa » Cléopâtre.

Une icône revisitée par l’art moderne et contemporain

La dernière partie de l’exposition questionne la réception critique et contemporaine du mythe. D’Esmeralda Kosmatopoulos, à Cindy Sherman ou Nazanin Pouyandeh, les artistes actuels interrogent les clichés misogynes et le male gaze qui ont réduit la souveraine à une séductrice fatale.

On y découvre aussi la place de Cléopâtre dans les luttes identitaires et politiques : symbole de résistance anti-coloniale en Égypte, figure d’émancipation pour la communauté afro-américaine avec Edmonia Lewis ou Barbara Chase-Riboud, ou encore icône féministe incarnant la puissance d’une femme de pouvoir longtemps invisibilisée.

De l’histoire à la pop culture

L’exposition rappelle aussi combien Cléopâtre irrigue toujours la culture populaire : théâtre de Shakespeare, cinéma hollywoodien, publicité, dessins animés… Tout le monde connaît Cléopâtre, mais à travers des images multiples, contradictoires et parfois fantasmées.

Le mystère Cléopâtre se présente comme une captivante synthèse historiographique et iconographique de la souveraine. On se promène parmi des siècles de représentations, croisant le regard d’images qui ont elles-mêmes forgé notre perception de la mystérieuse Cléopâtre.

Candice Guettey

Du 11 Juin 2025 au 11 janvier 2026.

Institut du monde arabe, 1 Rue des Fossés Saint-Bernard, 75005, Paris.

Du mardi au vendredi de 11h à 19h Les samedis, dimanches et jours fériés de 11h à 20h. Nocturne, le mercredi, uniquement pour l’exposition Cléopâtre, jusqu’à 21h30.

https://www.imarabe.org/fr/agenda/expositions-musee/mystere-cleopatre