“Médecines d’Asie, L’art de l’équilibre”

Le musée Guimet accueille l’exposition traitant des médecines d’Asie dont nous avons tous et toutes eu vent, que l’on évoque ses vertus ou ses pratiques. Contrairement à la médecine occidentale, visant à traiter la maladie, la médecine asiatique est particulière :  elle s’applique au bien-être. Cette médecine développe un approche dite “holistique” reliant corps et esprit et rapprochant le patient de l’univers qui l’entoure.



Ainsi, le soin et le sacré sont intimement liés et ont contribué à la production artistique asiatique. Tout au long de l’exposition nous découvrirons, en immersion, les traditions médicales invitant l’art et le soin à se mêler dans une collection impressionnante d’œuvres qui couvre tout le continent asiatique !

En Chine, en Corée et au Japon, le meilleur médecin est celui qui a réussi à prévenir la maladie plutôt que d’en guérir. C’est pourquoi, il doit vérifier que que l’équilibre règne entre les différentes fonctions organiques, le processus de renouvellement du corps et le mode de vie du patient. Ce principe s’illustre par le caractère qi : souffle vital. Ce souffle “impulse la force de vie dans l’ensemble du corps”. La santé résulte dans le flux continu de ce qi et du sang dans douze canaux reliant un même nombre d’organes. Afin d’entretenir ce flux, des procédés thérapeutiques sont utilisés : la moxibustion (par la chaleur), l’acupuncture (mise en place d’aiguilles) ou encore la pharmacothérapie (préparations médicamenteuses).

Tour d’horizons des différentes médecines.

En Inde, l’Ayurveda désigne la médecine indienne (“savoir pour prolonger la durée de vie”), c’est même plus que ça, une science religieuse qui a recours aux divinations. Les textes fondateurs de cette science sont rédigés en sanskrit et prennent place dans la tradition de la Sushruta Samhita et la Charaka Samhita. L’Ayurveda présente le principe de “théorie des humeurs” que sont respectivement le vent (vata), la bile (pitta) et le phlegme (kapha) issus des divinités Vayu, Agni et Varuna. Encore une fois, il est question d’équilibre, des humeurs ici, pour que la santé soit en faveur du patient. Cet équilibre change selon le métabolisme, le régime alimentaire ainsi que les influences extérieures. Cette médecine est dite “préventive”, elle suggère la pratique d’activités comme le yoga.

Au Tibet, la médecine entre tardivement et emprunte aux étrangers le système ayurvédique des humeurs (Indiens) mais aussi la prise de pouls (chinois). “Rester en bonne santé ou guérir relevait autant de la religion que de la science médicaleselon les commissaires.  Pour le soignant nommé “menpa” (personne connaissant les remèdes) de la même manière que pour le patient, la médecine ne peut exister sans toutes les autres pratiques thérapeutiques, empiriques ou magico-religieuses qui pourraient lutter contre les maladies.

Les lieux de médecine en Asie sont, eux, en revanche peu connus. Le “Cambodge médiéval”, en empire khmer (population d’origine hindoue habitant au Cambodge), sous le règne du roi bouddhiste Jayavarman VII (1181- vers 1220) en est l’exemple. Ces hôpitaux khmers étaient accessibles à l’ensemble de la population.

Ainsi, le soin suit trois étapes : le diagnostic, les traitements thérapeutiques et la prise en charge (sur le plan physique, organique et spirituel).  Les praticiens sont attentifs aux potentielles altérations des organes les plus visibles (peau, langue…), les anomalies des sécrétions et/ou fluides corporels ainsi que l’irrégularité du pouls comme mentionné plus haut. Ensuite, les praticiens tentent de rétablir ces énergies internes. En complément des traitements thérapeutiques, des massages et exercices peuvent être prescrits visant à entretenir la santé physique du patient.

Zoom sur les traitements thérapeutiques

La moxibustion consiste à appliquer sur la peau des moxa (cônes ou bâtonnets de poudre d’armoise). Ils servent à stimuler certains points du corps. Ainsi, on les place à la surface du corps le long des canaux d’énergie qui suivent le trajet du souffle qi. En ce qui concerne l’acupuncture, elle consiste à piquer de très fines aiguilles de métal sur ces points. Et les ventouses sont aussi appliquées mais pour favoriser la circulation voire décongestionner un organe.

Les matières médicinales sont collectées dans la nature environnante. On peut citer “la noix d’arec” qui permet la fabrication de la chique de bétel, le pavot, dont on extirpe l’opium médicinal ainsi que certains champignons qui assurent longévité. Ces préparations sont conservées dans des récipients aussi précieux que les objets d’art exposés.

La santé s’entretient par des exercices physiques, leur but est de former une harmonie entre l’esprit et le corps. Le qi gong en est l’exemple, il consiste en la réalisation de gestes lents et répétitifs. Quant au tai chi, ils traitent de nombreuses maladies gériatriques et atténuent les douleurs de maladies chroniques.  Enfin, le yoga favorise la mobilité dans les articulations et assouplit tendons, muscles et ligaments. Ces trois pratiques contribuent à la revitalisation des organes.

Plus encore, la méditation, vient des mots sanskrit et tibétain “bhavana” (qui produit ; qui donne le bien-être) et “sgom pa” (cultiver; devenir familier). Il s’agit d’une pratique à part entière qui nous fait bénéficier de qualités humaines. Des qualités que nous possédons en nous mais que nous n’entretenons pas, si la pratique peut paraître externe par sa nouvelle vision du monde, elle est tout aussi essentielle pour maintenir sa santé.

Mais il existe une autre médecine, celle de l’âme. Dans le cas où l’équilibre des énergies est modifié, des causes telles que l’apparition d’un démon peuvent en être à l’origine. La dimension spirituelle est alors toujours présente. Un autre praticien fait alors son entrée, l’exorciste, en complément du médecin. Si leurs savoirs ne s’appuient pas sur les mêmes référentiels, ils sont complémentaires. Les exorcismes ont donné lieu à la production d’objets atypiques comme les masques en bois provenant du Sri Lanka. En Corée, la figure du chamane apparaît, c’est un spécialiste des rites de divination et des rites de guérison. Selon les croyances, une maladie ne dépend pas du régime naturel, elle peut être propre à une personne. C’est pourquoi, il est courant de recourir à ce genre de spécialiste qui utilise de la magie. Le chamane entre en communication avec les esprits malfaisants, souvent responsable des troubles et d’état de possession, et traite le mal.

Pour se prémunir des irruptions maléfiques, des tissus et vêtements de protection peuvent être portés en Asie. Le vêtement attire la bonne fortune et la faveur divine tout en repoussant les mauvais esprits. Ils étaient surtout destinés aux enfants car jusqu’au 20e siècle, le taux de mortalité infantile était encore élevé en Chine (hygiène, peu de traitements et vaccins). Les amulettes et talismans étaient également très répandus, chacune avait son utilité et parfois son propre type de personne : enfants, professions exposées comme les chauffeurs de taxi en Thailande…

Eliette Belet

Commissariat d’exposition : Aurélie Samuel, Alban François et Thierry Zéphir (commissaire extérieur).

Du 17 Mai au 18 Septembre 2023

Musée Guimet, 6 Place d’Iéna 75016 Paris

Ouvert tous les jours sauf le mardi, de 10h à 18h