L’exposition « Migrations, une odyssée humaine », présentée au Musée de l’Homme, offre un éclairage juste et moderne sur un phénomène aussi ancien qu’universel : les migrations. Qu’il s’agisse de plantes, d’animaux ou d’êtres humains, toutes les espèces migrent, pour des raisons variées et souvent vitales…
Conscient que les questions de fermetures de frontières, de politiques d’accueil controversées et de drames humains provoquent des débats incandescents, le musée répond à ce sujet brûlant par une prise de recul, ni angéliste, ni dramatique.
A découvrir du 27 novembre 2024 au 8 juin 2025, l’exposition cherche à dépasser les préjugés pour mieux comprendre cette réalité. Elle repose sur l’interdisciplinarité : sociologie, droit, histoire, démographie, génétique, philosophie… « pour ne surtout pas clore le débat mais l’ouvrir », affirme Sylvie Mazzella, sociologue et directrice de recherche au CNRS, Aix Marseille Université.
Apparu en Afrique il y a 300 000 ans, Homo sapiens a peuplé la planète, croisant d’autres espèces humaines comme Néandertal. L’exposition montre, grâce à la science, que les migrations, souvent réduites aux flux Sud-Nord, sont surtout intracontinentales.
En partant du constat d’un pouvoir performatif des mots, elle analyse les étiquettes posées sur les migrants ; qui emploie ces termes, et dans quels objectifs ?
Ci-dessus, la scénographie retranscrit l’importance du vocabulaire aquatique pour décrire ces migrations, sources de peurs et de violences. Aussi, le phénomène migratoire est étroitement lié aux représentations collectives. L’exposition s’attarde sur le rôle du langage et des constructions sociales dans l’élaboration de ces représentations, parfois sources de stéréotypes.
Un autre aspect de l’exposition est l’exploration des migrations végétales. L’on se déplace avec son ADN, des outils, des marqueurs culturels, mais aussi avec des graines, des plantes et des racines. Cela contribue à façonner les paysages et les cultures alimentaires. Bien des ingrédients de notre quotidien sont le résultat de ces migrations : le chocolat, le café, le thé – et même, bien que ne faisant pas l’unanimité – la pizza aux ananas !
Au-delà des chiffres et des analyses scientifiques, l’exposition accorde une place centrale à l’expression artistique. Les œuvres d’art exposées offrent un regard subjectif et sensible sur les migrations, révélant les émotions, les espoirs et les traumatismes liés à ces déplacements. Témoignages, récits et objets de migration dialoguent avec ces créations, enrichissant la compréhension du visiteur.
Nous avons été particulièrement intéressés par la copie d’un élève, dont le sujet était le récit de son odyssée jusqu’en France, honoré d’une très bonne note.
Les artistes s’emparent de la complexité des parcours, de leurs sinuosités… à travers ce planisphère renversé, réalisé par Reena Kallat, les rapports de domination entre Nord et Sud sont mis en exergue.
Translatio studii (Revisited), de Zac Langdon-Pole, un bol en patchwork évoquant les tissus de migrations :
Dans une salle a été recréé le quotidien des demandeurs d’asile et l’espace du guichet, sorte de no-man’s land. Les supports virtuels et les jeux permettent de « se mettre dans la peau » pour un temps et d’incarner un face à face parfois cruel :
Voici un gilet de sauvetage pour une petite fille. Tout à fait esthétique mais toutefois immergeable, il ne répond pas aux normes de sécurité :
L’exposition se clôture sur la notion d’hospitalité et laisse aux visiteurs le soin d’écrire leur interprétation de son incarnation : gestes, paroles, engagement politique… l’Odyssée d’Ulysse prend plus que jamais un nouveau visage.
Avec cette exposition, le Musée de l’Homme réaffirme son engagement en tant que lieu de réflexion citoyenne. Face aux enjeux sociaux et politiques contemporains, il propose un cadre où science, histoire et art se rencontrent pour éclairer un sujet sensible. « Migrations, une odyssée humaine » ne se limite pas à informer ; elle invite à dialoguer, à questionner et à repenser notre rapport à ce phénomène profondément humain.
Suzie Zanetta
du 27 novembre 2024 au 8 juin 2025
Musée de l’Homme, Place du Trocadéro, Paris, 16e arrondissement.
Ouvert tous les jours de 11h à 19h, sauf le mardi.