Drôle d’année pour ce nouveau musée dont l’inauguration était prévue en mars, puis en juin, puis en septembre 2020…. ouvert quelques jours puis refermé, puis réouvert,…
Il était une fois le Créahm
Créé à Liège en 1979 par Luc Boulangé, le Créahm est une association dont l’objectif est de révéler et de déployer des formes d’art produites par des personnes handicapées mentales. Pour ce faire, le Créahm a mis en place des ateliers de création animés par des praticiens en arts plastiques et en arts vivants, inscrivant ainsi son projet dans un cadre pleinement artistique, et non pas thérapeutique ou occupationnel. L’originalité et l’importance de cette démarche, du point de vue artistique, mais également sociétal et politique, sont aujourd’hui encore au centre des objectifs poursuivis par le Créahm. Les structures qui, par la suite, en sont nées, le Centre de jour Créahm Liège (1994), le Centre d’Art Différencié (1998) devenu le MADmusée (2003), constituent, avec les ateliers, ce que nous appelons le « Grand Créahm » et relèvent du même projet d’ensemble. Le Trinkhall museum, en prenant la relève du MADmusée, s’inscrit dans la même perspective.
Le Trinkhall museum
Avec plus de 600 m2 de surface d’exposition, un espace librairie, un centre de documentation, un espace de rencontre et d’activités pédagogiques et tous les locaux techniques nécessaires à la conservation des oeuvres, le Trinkhall s’inscrit dans une nouvelle dynamique. Son café-restaurant, ouvrant largement sa terrasse sur le parc d’Avroy, reste librement accessible au public et renforce la dimension d’échange et de sociabilité qui caractérise le lieu depuis le XIXe siècle.
Le musée développe et met en valeur sa très riche collection : ce sont, venant du monde entier, près de trois mille œuvres essentiellement réalisées par des artistes porteurs de handicap mental. Avec un projet muséal profondément renouvelé, la notion d’arts situés confère au musée sa nouvelle identité. Elle manifeste la singularité du Trinkhall dans le paysage des arts contemporains et commande la mise en place de son programme d’expositions, de recherche et de médiation.
Au-delà du handicap
Les domaines que la collection du Trinkhall et l’expérience historique des ateliers permettent d’envisager dépassent largement le seul registre du handicap mental. Ils touchent à la question même de la création artistique et des relations qu’elle entretient avec la société, le monde et chacun d’entre nous.
La notion d’arts situés définit la politique muséale du Trinkhall. Elle prend en compte l’œuvre d’art dans la globalité de son existence processuelle, l’ensemble des relations que l’œuvre entretient avec ses environnements, tant du point de vue des conditions de sa réalisation que des conditions – sociales, esthétiques et culturelles – de sa réception.
La collection du Trinkhall, essentiellement composée d’œuvres d’art réalisées par des artistes handicapés mentaux dans un contexte d’atelier, offre un très riche exemple de situation, tant en raison des dispositifs collectifs qui sont liés à la création en atelier, qu’en raison des dispositions psychiques particulières des artistes porteurs d’un handicap mental. La notion d’arts situés se donne dès lors comme l’instrument adéquat pour penser la relation art et handicap mental et concevoir la politique muséale du Trinkhall, en évitant toute forme de réduction ou de stigmatisation qui entachent, trop souvent, l’invention et la réception des « arts du dehors ».
L’exposition « visages/ frontières »
Sa première exposition temporaire est consacrée à la thématique du visage. Qu’est-ce qu’un visage ? Qu’est-ce qu’être soi ? Au cœur du musée, les visages de la collection – ceux d’Inès Andouche, d‘Antonio Brizzolari, de Mawuena Kattah, de Pascale Vincke et de tant d’autres – dialoguent avec un crâne surmodelé de Nouvelle-Guinée-Papouasie, un autoportrait de Rembrandt, une figure bricolée de Louis Pons, une lithographie de Bengt Lindström ou de James Ensor, … et également, des artistes contemporains qui reprennent en images les questions que leur adressent les visages de la collection. Thomas Chable, Hélène Tilman, Anne De Gelas, Dany Danino ou Yvon Vandycke interviennent dans les murs du musée en proposant, chacun, une œuvre qui relaie la thématique du visage.
Des expositions monographiques :
Au rez-de-chaussée du Trinkhall, une salle est réservée aux « monographiques » : des expositions qui, tous les six mois, mettent à l’honneur un artiste travaillant en atelier, en Belgique ou à l’étranger. La première des monographiques est consacrée à Jean-Michel Wuilbeaux, artiste de Valenciennes, résident de la Pommeraie où il développe depuis une trentaine d’années une œuvre d’une exceptionnelle densité. Œuvre peinte, mais écrite également, à même la toile ou sur des feuilles volantes. Les mots de Jean-Michel Wuilbeaux courent en liberté parmi les consciences et les idées reçues.
Musée Trinkhall, Musée d’arts situés, Parc d’Avroy, 4000 Liège
Photographies : Véronique Spahis