À la frontière de la légende et du théâtre, le texte « Novecento : pianiste » d’Alessandro Baricco raconte l’histoire fictive de Danny Boodmann T.D Lemon Novecento né, abandonné et élevé sur un paquebot.
Ce garçon, retrouvé au fond d’un carton dans la salle des premières classes, fut recueilli par l’équipage, et sans jamais quitter la mer, a grandi et a appris à jouer du piano. Un instrument pour lequel, il se révéla avoir un véritable don.
Jusqu’à ses 32 ans, comme un mirage, le virtuose enchanta les oreilles des voyageurs du Virginian.
« Il l’était vraiment, le plus grand. Nous on jouait de la musique, lui c’était autre chose. Lui, il jouait quelque chose qui n’existait pas avant que lui ne se mette à jouer, okay ? Quelque chose qui n’existait nulle part. »
La particularité du traitement du texte par Orry est d’avoir déplacé l’attention du spectateur, en axant son regard sur le personnage de Tim : « cet homme désespéré, qui se raccroche à ses souvenirs de jeunesse comme à une bouée de sauvetage. » note l’acteur. Ce qui offre une nouvelle lecture du monologue.
Dans l’interprétation qu’il nous propose, le récit du légendaire Novecento devient presque un prétexte pour sonder le personnage de l’ami encore endeuillé, qui recase ses souvenirs et noie dans l’alcool son regret de ne pas avoir su aider son camarade à s’ouvrir au monde, en affrontant son vertige de la terre ferme.
« La terre c’est un bateau trop grand pour moi. C’est un trop long voyage. Une femme trop belle, un parfum trop fort. Une musique que je ne sais pas jouer. »
Coté salle, le public est invité à faire preuve d’autant d’imagination que Novecento pour visualiser l’histoire qui lui est racontée, car la version que nous propose Orry est pour le moins dépouillée : sur scène une simple caisse en bois, qui passe successivement d’estrade à assise, sert d’unique support de jeu au comédien.
Et si le titre et le thème du texte pourrait le laisser penser, ne vous attendez pas non plus à entendre un air de piano se profiler. Là encore, seul le texte doit parvenir à vous faire entendre les notes évoquées.
Hormis quelques jeux de lumière et bruitages d’orage, Orry doit habiter et animer seul la scène.
Une performance, au vu du rythme de la pièce et du débit du comédien, qui reprend le texte dans son intégralité.
Au Lucernaire, rendez-vous salle Paradis pour écouter Laurent Orry, dans la peau du trompettiste de l’orchestre du bateau : Tim Tooney, nous narrer l’histoire de ce prodige inconnu.
Manuella Sorin
Jusqu’au 26 juin 2022
Du mercredi au samedi à 19 h
Lucernaire, 53 Rue Notre Dame des Champs, 75006 Paris
Acteur et metteur en scène : Laurent Orry ; Production : Compagnie Les Âmes errantes ; Coréalisation : Théâtre Lucernaire