La nuit a mangé le ciel
Il y a des livres qui, plus que d’autres, continuent d’être dans vos pensées bien après la dernière page…. Celui-ci en fait partie.
On y fait la rencontre d’un jeune garçon dont la vie n’est pas celle d’un enfant comme il se devrait être – un « cassos » comme on dit, un cas social – Si l’auteur sait si bien mettre ses mots au service de cet enfant, c’est parce qu’en tant qu’éducateur, il en a rencontré de ces enfants qui cherchent leur place, au sein de leur famille, de l’école ou de la société. Tous ces « autres » qui n’ont que faire de lui…
Ce roman – oui, il s’agit bien d’un roman – écrit de façon remarquable – nous entraîne dans le quotidien de Juanito, de famille d’accueil en foyer, de sa famille à d’autres enfants rejetés, de soins en fugues, de l’amour à la haine, des moments de bonheur à la tristesse infinie. « Je » est décidément un autre… et pourtant un enfant comme un autre…
Ce livre a reçu le Prix Littéraire Matmut 2018, l’édition de votre premier roman, lancé en 2013, à l’initiative du Conseil d’Administration du Groupe Matmut. Il s’inscrit dans la continuité de l’engagement culturel de l’entreprise, pleinement orienté en faveur des talents débutants ou émergents.
Résumé :
J’ai posé le front contre la vitre et j’ai regardé les images dehors. On remontait le temps. Il y avait d’abord que le vert des arbres qui se barraient à fond la caisse en sens inverse. Puis très vite, j’ai commencé à y voir plus clair. La forêt a laissé place à des prés, à des champs, bien carrés, bien découpés, avec de belles lignes droites. C’était déjà moins la jungle, avec de grands pylônes électriques au fond, comme il y en a dans la zone à côté de ma cité. Même les couleurs étaient plus nettes, plus propres. Puis les premiers immeubles ont pointé le bout de leurs derniers étages, il y avait de plus en plus de bagnoles sur la grande route, ça commençait à sentir le béton et le goudron. La ville était là. C’était trop bon de rentrer chez soi. Trimbalé de foyer en famille d’accueil, Juanito, onze ans, refuse l’étiquette de « cas soc » qui lui colle à la peau et n’a qu’une idée, retrouver la Marmite, la cité où il a grandi.
L’auteur :
Né près de Strasbourg en 1971, Gauthier Steyer est éducateur spécialisé et consacre l’essentiel de son temps et de sa carrière aux personnes en difficulté. Les livres et l’écriture l’accompagnent et lui permettent d’échapper à la misère humaine qui constitue son quotidien. Installé à La Réunion depuis dix-sept ans, Il travaille à l’Aide sociale à l’enfance et enseigne son métier.
Préface de Philippe Labro, président du jury du Prix Littéraire Matmut :
Gauthier Steyer amorce son roman en s’adressant à Louise, sa fille. Il dit : « Je voudrais réussir à te donner l’envie de ne pas leur tourner le dos, mais d’aller vers eux, le sourire de l’indulgence aux lèvres et l’amour dans le cœur. »
Ainsi débarrassé de ses préjugés, le lecteur va faire la connaissance du petit garçon enlevé à sa mère par des services dits sociaux.
L’auteur fait découvrir un monde déconnecté, dont le langage fleuri, précis et sensible, orné de belles formules, désarçonne. Petit à petit, on ouvre les yeux sur une réalité, celle des habitants de ces quartiers qualifiés de sensibles où sont stockés les rebuts de la société, les recalés rendus inaptes à l’intégration, les oubliés de la république, ceux que l’on ne veut pas voir.
Mais il se révèle que ce petit monde a trouvé son bonheur autour de quelques bières, de « cahouettes » et d’herbe à fumer. L’instinct de survie leur commande de s’entraider, quelles que puissent être leur origine et leur culture.
À la « Marmite » — nom donné au quartier —, la preuve est apportée : le bien vivre ensemble n’est pas une question de différence mais d’intelligence, celle des sans-grade, celle de la vie, ou plutôt de la survie. « Indulgence aux lèvres, amour dans le cœur », telle est, effectivement, la leçon de ce beau livre.
La nuit a mangé le ciel
Auteur : Gauthier Steyer
Editions Denoël
Paru le 20 septembre 2018
20 €