Or Norme : la Maison Guerlain fait sa ruée vers l’or

L’argent n’a pas d’odeur. L’or si, chez Guerlain. En se saisissant de ce thème doré « intimement lié » à l’histoire de la marque selon Ann Caroline Prazan directrice art, culture et patrimoine au sein de l’enseigne, la parfumerie essaye d’établir un parallèle entre des odeurs multiples ; celles de ses parfums, du succès sportif, mais aussi de la poésie ; dans Or Norme à la Maison Guerlain, 68 Champs Elysées.

L’or fascine. Sa couleur resplendissante brille tout autant dans le noir qu’aux rayons de l’astre du jour. Valeur refuge par excellence, ce métal précieux est tout autant admiré pour sa beauté sublime, que pour sa valeur grandissime. Quand il n’y a plus rien, l’or reste, demeure.

Refuge en tant que monnaie d’échange, l’or est aussi un objectif, un but à atteindre. Ainsi, dans le sport, la médaille dorée est la plus grande des distinctions. En cette année de Jeux olympiques et paralympiques, Or Norme et Guerlain s’inscrivent dans ce contexte, au sein du programme Olympiade culturelle. « L’or c’est la conquête de l’excellence » souligne Prazan : l’odeur du parfum se mélange à celle du succès pour tenter un mariage reluisant aux dorures éclatantes. Une tentative d’une plongée, en d’autres termes, « dans le monde de l’or, du sport et de la poésie ».

Pour tenter de relever ce défi – loin d’être mince – plusieurs jeunes artistes se sont essayés à l’exercice.

En hors-d’œuvre, on peut notamment découvrir une table basse, signée par l’artiste français Yves Klein. Un mobilier plein de poésie, inspirant le calme, relève Jean-Luc Monterosso, commissaire et directeur artistique du musée Chengdu Contemporary Image (Chine).

Le thème du sport, quasi absent sur les photographies exposées, se dévoilent lorsque l’on lit le nom des artistes : Klein donc, judoka dans la fin des années 40, mais aussi Enzo Lefort, escrimeur de renom, deux fois champion du monde, ou bien encore AiFutaki, apnéiste japonaise qui veut nous faire retenir notre souffle lorsqu’elle apparaît sous le regard de la photographe espagnole Isabel Munoz dans L’or pour la voix.

Résonances, décalages

Classiquement dans l’art, le thème de l’or peut faire penser aux égyptiens, fascinés par ce métal, symbole d’éternité. Rappelons nous ainsi de l’exposition Ramsès. L’or des pharaons, présentée à La Villette l’an dernier.

Dans l’art moderne, l’or est aussi présent, permettant de sublimer une toile, de lui donner un aspect plus noble, plus précieux. Les toiles de Gustav Klimt dévoilent, en ce sens, toute la profondeur de ce métal ; toute la beauté qu’il peut apporter à une production. Notons ainsi son Chevalier d’or (1903), exposé au Palais de la Sécession à Vienne, ville de décès du peintre autrichien.

Néanmoins, dans Or Norme, les résonances avec ces références établies ne sont pas recherchées. Or Norme dévoile son ambition par son nom : Hors norme, c’est-à-dire adoptant un ton résolument « décalé » souligne Ann Caroline Prazan.

Ce décalage se note tout d’abord dans les thèmes abordés par l’exposition. L’or et l’art photographique font se rejoindre l’ensemble des œuvres exposées ; néanmoins chacune développe par ailleurs des sujets très différents.

L’on passe ainsi de la recherche d’une identité et d’une cellule familiale perdue avec l’artiste Carole Benita et sa série Jamais je ne t’oublierai, à une photographie de mise en scène réalisée par le duo d’artistes plasticiens Pierre et Gilles. L’or sert, dans l’une, à panser les plaies de souvenirs douloureux, tandis que dans l’autre, l’or glisse presque vers un côté kitch, « bien que les artistes n’aiment pas trop ce terme », croit bon de rappeler Jean-Luc Monterosso.

Si l’on perçoit bien un certain travail d’orfèvre à la conception de ces différentes photographies à l’image de l’urbaniste Cédric Matet qui, pour ses productions mêlant le tirage au charbon et la finition à la feuille d’or, a mis près de « quatre jours » pour arriver au résultat final, il n’en demeure pas moins que l’on ressort de cette exposition l’esprit quelque peu embrumé.

L’exposition Or Norme se veut décalée – hors sol dans une certaine mesure – mais manque ici quelque peu de clarté quant au message qu’elle souhaite délivrer. Le fait que Guerlain ait convié plus d’une quinzaine d’artistes à collaborer, participe nécessairement à brouiller quelque peu le projet d’ensemble. On peut regretter en réalité de n’être pas réellement mis au parfum.

Gabriel Moser

Du 6 juin au 12 septembre 2024

La Maison Guerlain, 68 avenue des Champs Elysées, 75008 Paris.

Du lundi au samedi, 11h00-20h00. Le dimanche de 12h00 à 19h00. Entrée libre.

www.guerlain.com