Paul Poiret, La mode est une fête: une vie haute en couleur 

Le Musée des Arts Décoratifs signe jusqu’en janvier 2026 une exposition éclatante consacrée à Paul Poiret, créateur emblématique du début du XXe siècle : Paul Poiret, La mode est une fête.

Bien plus qu’un couturier, Paul Poiret se rêvait un artiste total : « Je suis un artiste, pas un couturier », affirmait-il. Sa vie fut l’illustration de cette ambition entre audace esthétique, goût de la mise en scène et désir de révolutionner le quotidien.

Dès l’entrée, la force visuelle du parcours saisit le visiteur. La scénographie pensée par Anette Lenz et Christopher Dessus rend éclatante l’exubérance de cet homme qui ne concevait pas la mode sans spectacle. Poiret dessine, habille, décore et même parfume !Amoureux des arts du monde, il remanie les tuniques perses, les kimonos japonais, les broderies d’Afrique du Nord. Ses influences sont multiples :voyages, ballets, objets de collection, estampes. Ainsi chaque pièce fait résonner l’imaginaire nomade et coloré propre à Poiret.

Le parcours, segmenté en onze temps sur deux étages, suit avec une grande clarté la trajectoire de Paul Poiret, de ses années de formation à son héritage stylistique, en passant par ses collaborations, sa vie de famille et ses projets annexes. Une construction fluide, logique, qui donne à voir non seulement ses robes mythiques, mais aussi ses croquis, ses tissus, ses archives personnelles. On y découvre la Maison Martine, atelier d’arts décoratifs qu’il fonde en 1911 pour prolonger sa vision jusque dans le mobilier et les objets du quotidien, ou encore les Parfums de Rosine, du nom de sa fille, bien avant que la parfumerie ne devienne un pilier du luxe contemporain.

Chez Poiret, tout est pensé, construit, orchestré : il ne vend pas un vêtement, il propose un monde. Son goût pour la fête ne relève pas de l’anecdote : il en fait un moteur créatif. Ses soirées déguisées, comme la célèbre Mille et Deuxième Nuit organisée dans son hôtel particulier de l’avenue d’Antin,sont de véritables performances. Costumes, décors, musiques, invités triés sur le volet, chaque détail participe à la mise en scène de sa vision. Paul Poiret est l’un des premiers à faire de sa vie une vitrine, une œuvre d’art à part entière.

L’exposition rappelle à quel point Paul Poiret fut un précurseur du luxe tel qu’on l’envisage aujourd’hui. Très tôt, il imagine une maison, où mode, parfum, mobilier et art de vivre ne font qu’un. Une vision audacieuse, presque utopique, qui précède de plusieurs décennies les logiques de marque globale. Mais cette ambition, trop ample ou trop coûteuse, finit par le dépasser. Dans les années 1920, alors que l’industrie se rationalise, Poiret peine à s’adapter. Sa maison ferme en 1929 et il meurt presque oublié, en 1944.

C’est cet oubli de l’histoire que vient réparer cette exposition en redonnant à Poiret la place qu’il mérite, celle d’une figure tutélaire pour ceux qui viendront après lui : Dior, Saint Laurent et même Gaultier. Plus de 550 œuvres, robes, croquis, flacons, accessoires, archives composent ce parcours dense, coloré et rigoureusement construit, à l’image de l’univers qu’il avait rêvé. Poiret n’était pas qu’un couturier, il était un créateur d’univers. À travers lui, la mode devient langage, déclaration, et littéralement fête.

Jacques Gehringer Delcroix

du 25 juin 2025 au 11 janvier 2026

Musée des Arts Décoratifs, 107 rue de Rivoli, 75001 Paris

Ouvert du mardi au dimanche de 11h à 18h – fermé le lundi

https://madparis.fr/Paul-Poiret-La-mode-est-une-fete