Peintures des lointains.
Même pas peur !
Ils plantent leur chevalet en pleine jungle, là où rodent le tigre et la panthère. Leur carnet de croquis sur les genoux ils s’installent au cœur des déserts, au cœur de régions dites insoumises ou au beau milieu de la grande prairie, là où paissent d’immenses troupeaux de bisons et où règnent encore en maître les peuples amérindiens. On les voit dessiner sur tous les ports d’Afrique et d’Asie où les premiers vapeurs accostent entre les felouques, les boutres ou les sampans. Ils remontent les fleuves indifférents aux dangers qui hantent leurs berges.
Ils embarquent avec James Cook ou La Pérouse. Ils suivent l’armée française qui s’engage toujours plus au sud dans le Sahara. Ils participent à l’aventure de Savorgnan de Brazza. Ils sont de toutes les expéditions comme celle conduite par Bonaparte en Égypte, ils apportent à Ferdinand de Lesseps leur talent et la précision de leurs relevés.
Toutes les sociétés de géographie les engagent pour mettre en image les terres nouvellement découvertes et leurs inconcevables paysages pour qui n’a jamais quitté l’Europe. Ils sont peintres officiels de la Marine ou artistes rêvant d’Orients fabuleux. Paysagistes, portraitistes ils rapporteront des images chargées d’un érotisme assez sage peuplées d’odalisques alanguies. Ils vont transformer le regard de l’occidental.
Ils vont souvent donner une image irénique (Paul et Virginie ) souvent naïve, de ces pays et de leurs populations notamment dans les peintures d’atelier qu’ils exécutent de retour au pays.
Ils vont souvent à leur corps défendant participer à la justification d’un colonialisme brutal, de l’esclavage et de l’expansion de l’Occident conduite au détriment des richesses agricoles ou minières de ces pays.
Ils vont aussi dans les dernières décennies du colonialisme conquérant, en concurrence désormais avec la photo, participer à déciller le regard des artistes restés en Europe.
Ils ont été les grands reporters du 18ème et du 19ème siècle mais ils ont été plus que tout, des artistes souvent talentueux.
Ils s’appelaient Georges Catlin, Lucien Lièvre, Fernand Lantoine, Emile Bernard, Eugène Fromentin, parfois même Gauguin et tant d’autres. Certains comme Camoin ou Matisse auront participé à l’aventure du Fauvisme avant de s’intéresser aux charmes d’un orient devenu proche.
Simples croquis, pochades réalisées sur place, gravures et œuvres élaborées et réinventées de retour à l’atelier racontent, montrent, donnent à rêver et à méditer
jusqu’au 6 janvier 2019
Musée du Quai Branly / Jacques Chirac
37 Quai Branly,
75007 Paris
Mardi, mercredi et dimanche de 11h à 19h, jeudi, vendredi et samedi de 11h à 21h – fermé le lundi
Pierre Vauconsant