Depuis plusieurs années, les expositions d’hiver du MuMa invitent le visiteur à redécouvrir les collections du musée en proposant autour d’un thème des rencontres inédites et des rapprochements entre des artistes d’horizons et d’époques divers.
C’est dans ce contexte que le Musée d’art moderne André Malraux (MuMa) du Havre accueille jusqu’au 5 avril 2026 une exposition singulière intitulée Ports en vues, qui plonge le visiteur dans l’univers fascinant des paysages portuaires, et plus particulièrement ceux du Havre. Plus qu’un simple panorama de grues et de cargos, l’exposition propose une véritable exploration artistique de ces espaces en perpétuelle mutation, où l’industrie, le voyage et la poésie se rencontrent.

Ports en vues est ainsi conçue comme une promenade dans le paysage portuaire de Raoul Dufy à Pierre et Gilles.
Redécouvrir le port comme paysage
L’exposition, sous le commissariat de Michaël Debris, invite à regarder le port autrement. Loin des représentations romantiques ou pittoresques, elle met en lumière sa dimension fonctionnelle et industrielle : digues, conteneurs, écluses, hangars et grues deviennent des motifs à part entière, capables de susciter émerveillement et réflexion. Le visiteur est confronté à la beauté du mouvement, aux jeux de lumière sur l’acier et l’eau, mais aussi à la force visuelle des structures massives qui composent l’espace portuaire.
L’exposition rassemble près de 120 œuvres — peintures, gravures, photographies et installations — signées par une trentaine d’artistes. Le parcours traverse presque un siècle de créations, depuis les représentations modernistes du début du XXe siècle jusqu’aux regards contemporains les plus innovants.
Les artistes de l’exposition : Gabriele Basilico, Henry-Armand Burel, Alain Ceccaroli, Claude Le Meilleur dit Clem, Philippe De Gobert, Raoul Dufy, Jean-Christian Fleury, Émile Othon Friesz, Lucien Hervé, Raymond Gosselin, Roger Guerrant, JR, Jürg Kreienbühl, Jean Labellie, Raimond Lecourt, André Legallais, Pierre Lesieur, Albert Marquet, Hassan Massoudy, Maxime Maufra, Sylvestre Meinzer, Olivier Mériel, Roger Mühl, Charles Nicolle, Pierre et Gilles, Bernard Plossu, Gaston Prunier, Noémi Pujol, René-Jacques, Jacqueline Salmon.












Les œuvres choisies révèlent la diversité des approches : certaines mettent l’accent sur la lumière et la couleur, d’autres sur la monumentalité ou la rigueur géométrique des installations portuaires. On y découvre des tableaux qui capturent la vibration d’un port en activité, des photographies contemporaines qui transforment les conteneurs et les quais en éléments graphiques surprenants, ainsi que des gravures et dessins qui explorent les lignes et les volumes de l’espace industriel. L’exposition joue sur le contraste entre passé et présent, entre perception réaliste et interprétation poétique.





Focus Hassan Massoudy
En 2024 et2025, Hassan Massoudy, calligraphe d’origine irakienne, offre au MuMa près de300œuvres exécutées alors qu’il était étudiant aux Beaux-Arts de Paris. Ses courts séjours au Havre pendant les années70 lui permettent de découvrir les espaces portuaires qui marquent sa mémoire d’artiste de manière indélébile. Il décrit ainsi son travail de cette époque : « … Tous ces morceaux de ferraille, proues de cargo, grosses chaînes, amarres, tuyaux qui serpentent, enchevêtrements de câbles, vannes, se transforment et prennent vie. Les grues deviennent girafes, les véhicules de manutention deviennent crabes aux larges pinces, les vannes acquièrent des yeux et parfois un sourire. Tout est sombre, noir ou rouille, alors je colore de rouge, de bleu, de jaune, de vert, en aplats de couleurs inspirés de Fernand Léger… ».
Une salle entière présente une partie de la donation :








Une invitation à regarder autrement
Ce qui rend Ports en vues particulièrement captivante, c’est sa capacité à révéler la beauté dans des lieux que l’on ne regarde pas toujours avec attention. Le port devient un laboratoire visuel où se croisent fonctionnalité et art, travail et contemplation. Les visiteurs découvrent que les quais et les grues, qui semblent au premier abord utilitaires et froids, possèdent une force graphique et une poésie propres. Les jeux de reflets sur l’eau, la répétition des formes, les perspectives monumentales sont autant d’éléments qui transforment la vie portuaire en sujet artistique.
Le choix du port comme thème résonne également avec l’histoire de la ville du Havre. Cette ville portuaire, longtemps marquée par l’industrie maritime et la reconstruction d’après-guerre, offre un contexte vivant à l’exposition, où le visiteur peut établir un lien direct entre le musée et le paysage réel.

En quittant l’exposition, on ne regarde plus le port de la même manière…
Véronique Spahis
du 8 novembre 2025 au 5 avril 2026
Musée d’art moderne André Malraux – MuMa, 2 boulevard Clemenceau, 76600 Le Havre
mardi à vendredi de 11h à 18h, samedi et dimanche de 11h à 19h
