Le théâtre pour enfant est un exercice si ce n’est périlleux, à tout le moins délicat. Je parle bien ici de théâtre et non de cirque. Faire le clown en multipliant gags, chutes et guignoleries est une chose. Maintenir l’attention du jeune public et distiller un message à sa portée mais porteur de sens en est une autre. Les plus grands auteurs d’une littérature parfois trop rapidement qualifiées d’enfantine étaient détenteurs de ce talent-là. De La Fontaine à Perrault en passant par Grimm, ils savaient tenir le lecteur en haleine et dire quelque chose de leur époque, du monde dans laquelle leurs personnages évoluaient. Leurs textes étaient empreints d’une dimension sociale et sociétale et c’est dans leurs pas que cette sympathique et joyeuse équipe pose ses pieds, avec humilité, drôlerie et fraîcheur.
Proposer une énième adaptation d’un conte connu de tous eut été une entreprise louable mais… rebattue. Ici, l’auteur et les deux metteurs en scène mêlent subtilement plusieurs histoires où tout est partie en vrille. Plus rien ne fonctionne, le rêve a refermé ses paupières au grand dam des petits comme des plus grands. On ne s’ennuie pas une seule seconde à suivre les aventures de trois nains qui tentent désespérément de ranimer une Blanche Neige tombée dans le piège non pas d’une sorcière jalouse, mais comme nous tous, dans celui de la… surconsommation. L’écologie au cœur du récit, est abordée sans grandiloquence, pour mettre le spectateur devant ses responsabilités individuelles et collectives, tout particulièrement le jeune enfant à qui il est grand temps d’insuffler une pédagogie et une prise de conscience qui manquèrent cruellement aux générations qui l’ont précédé.
On se surprend à rire à gorge déployée tant les trouvailles scénaristiques, les dialogues cocasses et l’inventivité tant de la scénographie que des costumes absolument hilarants, nous embarquent dans l’univers des contes où tout fout le camp. Mais peut-être n’est-il pas encore trop tard ? Les méchants pollueurs –qui sont eux mais que nous sommes aussi à notre échelle- auront-ils encore le temps d’inverser la flèche du temps pour sauver ce qui peut l’être ? La pièce ne répond bien entendu pas à la question mais présente le mérite incommensurable de la poser. La Fontaine s’en serait sans doute amusé tout comme il en aurait salué l’ambition, à n’en point douter, messeigneurs.
Le pitch : La planète des contes s’est détraquée… et les héros n’arrivent plus à finir leurs histoires. Les nains mènent l’enquête…
Au Pays des contes, les histoires vont bon train. Chacune se répète invariablement, pour le plus grand bonheur de ses jeunes lecteurs. Un jour, alors que les personnages vivent tranquillement leurs aventures, survient un drame : Blanche Neige ne se réveille pas… du tout !
L’histoire ne peut pas se terminer : ni prince charmant, ni joyeuse noce, ni » ils vécurent heureux et eurent beaucoup… « . L’un après l’autre, les contes s’arrêtent : la Petite Sirène ne remonte plus à la surface, la Fée Bleue reste coincée dans les nuages, Pinocchio est prisonnier de son corps en bois…
Affolés par cette situation, les nains de Blanche Neige décident de résoudre au plus vite les problèmes qui détraquent leur belle planète. Avec l’aide des lecteurs, sauront-ils à mener à bien leur enquête, relever les défis, et libérer les héros ?
Un indice : les solutions seraient d’ordre écologique…
David Fargier – Vents d’Orage
Pourquoi Blanche Neige ne se réveille pas ?
Auteur : Fanny Roche
Mise en scène : Amandine Rousseau et Emilie Letoffe
Avec : Caroline Borderieux, Quentin Morillere et Pauline Prevost
Jusqu’au 8 mai 2019 au
5 rue Blainville
75005 Paris