L’ambassade d’Australie propose cet automne une exposition touchante et singulière, Rituel et cérémonie, sur les rites funéraires de certaines populations aborigènes, à partir du travail de l’artiste Maree Clarke. Originaire des peuples Mutti Mutti, Wamba Wamba, Yorta Yorta et Boonwurrung, elle est la première artiste aborigène dont l’œuvre se concentre sur la transmission des traditions à être exposée à la National Gallery of Victoria en 2021.
Sa démarche artistique mémorielle s’inscrit dans la lignée de l’expression australienne qui dit « rien sur nous sans nous ». Maree Clarke souligne l’importance pour les aborigènes d’être à l’origine des discours sur leurs traditions, non seulement pour qu’ils ne soient pas émis d’un point de vue colonial, et également pour qu’ils permettent aux peuples aborigènes d’entreprendre une reconstruction de leur identité. En effet, un maillon de la chaîne mémorielle manque, car les gouvernements australiens coloniaux ont entrepris, dès la seconde moitié du XIXème siècle et jusqu’en 1969, de retirer les enfants aborigènes de leur famille et de les « convertir » en citoyens blancs.
Les rites funéraires photographiés et exposés à l’ambassade d’Australie sont ainsi tombés en désuétude depuis plusieurs décennies. Le travail artistique de Maree Clarke vise à régénérer ces traditions et à les inscrire dans le XXIème siècle. Elle immortalise par exemple les peintures rituelles réalisées lors de la mort d’un proche en les imprimant sur des tee-shirts. Une de ses collections de bijoux traditionnels, imprimés en 3D et non plus à partir de matériaux complexes à se procurer — des dents de kangourou notamment — a été vue dans le magazine Vogue en 2019.
Le second enjeu de l’œuvre de Maree Clarke est celui de la documentation. L’exposition Rituel et cérémonie est née d’un triste constat : invitée à faire une exposition sur les traditions spirituelles des aborigènes, l’artiste s’est rendu compte qu’elle ne les connaissait pas. Elle s’est donné la mission de recréer un héritage culturel, ce qui l’a poussé à parcourir les musées internationaux et à les alerter de l’enjeu crucial qu’est la restitution des œuvres aborigènes volées. Maree Clarke souligne la priorité de restituer les restes humains et les objets sacrés.
L’exposition Rituel et cérémonie fascine autant qu’elle nous interroge sur notre propre rapport au deuil. En plus des photographies de peintures rituelles, des chapeaux traditionnels de deuil sont également exposés. Ils étaient portés pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois après la perte d’un proche, et leur poids — 7 kilogrammes ! — symbolisait le chagrin de la personne endeuillée. On ne peut que regretter la rapidité avec laquelle s’effectue la visite, que l’on souhaiterait plus longue, et l’on espère pouvoir découvrir d’autres aspects de l’œuvre de Maree Clarke — qui utilise de nombreux médiums — lors d’une prochaine exposition.
Marie Agassant
Du 7 octobre 2022 au 17 mars 2023
Ambassade d’Australie, 4 rue Jean Rey, 75015 Paris
Ouvert du lundi au vendredi de 9h à 17h