Chaque automne, Paris se met au rythme du cacao avec le Salon du Chocolat. Si l’édition 2024 (30 octobre – 3 novembre) a mis le « Temps » au cœur de sa programmation, un autre fil rouge a émergé de façon saisissante : la montée en puissance de la pâtisserie et du chocolat 100 % végétal. À quelques semaines de l’ouverture de la 30ᵉ édition, prévue du 29 octobre au 2 novembre 2025 à la Porte de Versailles, l’heure est au bilan d’un salon qui a marqué un tournant — et à un avant-goût des promesses à venir.

Les balbutiements d’une révolution végétale
Longtemps, les vitrines du Salon du Chocolatont été le royaume des ganaches au beurre et des pralinés crémeux. Mais dès 2017, un souffle nouveau a traversé le Pastry Show du Salon. La cheffe pâtissière et fondatrice, en 2016, de VG Pâtisserie et auteure, en 2017, de l’ouvrage Pâtisserie vegan, Bérénice Leconte, y avait dévoilé, sur la grande scène, un audacieux Saint-Honoré chocolat-cacahuète, à la fois végan et sans gluten.
Première à présenter une pâtisserie 100 % végétale, Bérénice a fait figure de pionnière. Son audace a attiré un public nombreux, enthousiaste et intrigué par cette nouvelle approche : « Même les étudiants de l’école Ferrandi (école de la gastronomie française) avaient quitté leur stand pour venir voir comment je faisais ma pâte à choux sans aucun produit animal. Ils étaient comme émerveillés », se souvient-elle.
En 2018, ce sont Mickaël Bartocetti, chef pâtissier du Shangri-La Paris, et Tom Coll, alors en charge du Tea Time classique et végan de l’hôtel à l’époque, qui emboîtent le pas. Ensemble, ils réalisent en direct une tartelette tout chocolat, un instant de pure gourmandise qui marquera aussi les esprits.
Depuis, l’offre végane n’a cessé d’évoluer et s’est progressivement imposée aux côtés des pâtisseries traditionnelles. Lors de l’édition 2024, le constat était évident : le végétal n’est plus une curiosité, il s’affirme désormais comme une évidence dans le paysage sucré.
2024, entre enthousiasme et défis
« Talks à l’ère du végétal » : c’est le titre qu’avait choisi, Priscilla Lanzarotti, critique gastronomique spécialisée en pâtisserie, pour ses tables rondes consacrées au végétal. Pourtant attachée aux gourmandises traditionnelles, elle reconnaît que « cela avait du sens : en termes d’innovation, le végétal commence à prendre une grande place dans la gastronomie, d’un point de vue santé d’une part, et éthique d’autre part (comme l’environnement et la souffrance animale) ».
Dès lors, durant quatre jours, des chefs intéressés ou investis dans la pâtisserie éthique et végétale, comme Claire Santos Lopes, cheffe pâtissière du Royal Champagne, Linda Vongdara, cheffe pâtissière et consultante spécialisée dans le végétal, Jade Genin, cheffe chocolatière, Tessa Ponzo, cheffe pâtissière au restaurant Lasserre, Marius Dufay, chef pâtissier exécutif du Mirazur à Menton, Lydia Gautier, experte en thé, et Émilie Gérardi, cheffe pâtissière, se sont succédés à son micro pour partager, informer et rassurer un public emballé, curieux, mais parfois sceptique.

Parmi eux, Matteo Deiana, fondateur de Giardino Paris, une maison installée aux Batignolles qui propose des douceurs 100 % sans produits d’origine animale (adaptables en fonction des allergies), et Sheryline Thavisouk, cofondatrice de Le Papondu, start-up française à l’origine d’un substitut d’œuf 100 % végétal, ont présenté leurs innovations et insisté sur les défis techniques que posent les alternatives aux produits laitiers et aux œufs. « Il faut réapprendre à travailler les textures », a expliqué Matteo Deiana, avant d’ajouter : « le végétal n’est pas une contrainte, mais un nouveau terrain de jeu ». Et ce terrain de jeu, ce sont les enfants qui s’en sont emparés le mieux.

Des enfants aux commandes du végétal
Toujours à l’initiative de Priscilla Lanzarotti, le Pastry Show Junior s’est transformé en véritable laboratoire végétal. Les enfants, curieux et enthousiastes, ont pris les commandes avec une énergie communicative. Guidés par trois chefs pâtissiers, ils ont pu réaliser un cookie au chocolat et au cœur fondant avec Fernando Maria (PatisCoach) ; une pavlova magique signée Maïssa Barka (Maïssa Gourmandise) ; et une bombe choco-coco imaginée par Claire Robert (Théobroma Collections). « Les enfants étaient vraiment impressionnés, même si certains au début ont fait ‘beurk’ avant d’y avoir goûté, au final, ils ont adoré », se souvient Priscilla.
En parallèle, le spectacle conté « Rhéa et le monde mystérieux du végétal » – une histoire imaginée également par Priscilla Lanzarotti, et interprétée par Rhéa (candidate de The Voice 13) – a nourri l’imaginaire des jeunes spectateurs. Ce voyage ludique et sensoriel les a initiés à l’univers d’une pâtisserie responsable et sans ingrédients d’origine animale.
Des douceurs plus saines et responsables
L’esprit d’innovation, éthique et responsable, se retrouvait aussi dans les allées. Certains exposants mettaient en avant des chocolats à boire, chauds ou froids, élaborés avec des laits alternatifs, ou des tablettes au lait de coco venues d’Inde, tandis que d’autres présentaient des confitures et caramels réalisés à base de fruits, sans additifs ni sucres raffinés. D’autres encore proposaient des alternatives au sucre, comme le sirop de yacon. On retrouvait également les créations audacieuses du collectif Sea Vegetable, qui a marié cacao et algues dans un étonnant Mont-Blanc marin. « Les gens viennent par curiosité, et repartent séduits par des saveurs qu’ils n’avaient jamais imaginées », raconte l’un des membres du collectif. Le mouvement bio et sans OGM, désormais bien installé, croisait ainsi la dynamique végane et donnait à voir une filière soucieuse de la santé, de l’environnement et du bien-être animal.


Des gourmandises sans cruauté
Si le végétal s’est peu à peu imposé au Salon du Chocolat, c’est aussi qu’il répond à une attente bien plus large : celle de se régaler autrement. Derrière les innovations et les textures réinventées, une conviction s’installe doucement — qu’il est possible de savourer des douceurs intenses et créatives sans exploiter les animaux (l’industrie du lait et des œufs étant également une source de grande souffrance pour les animaux). Et c’est peut-être là que se joue l’avenir d’une gourmandise à la fois moderne, responsable et universelle.
Un engouement qui ne se dément pas
Le public a répondu présent : files d’attente pour les démonstrations, dégustations prises d’assaut, et un engouement palpable.
« On est surpris par la texture, on ne s’attend pas à ce que ce soit si proche », confiait une visiteuse, encore émue après avoir goûté des macarons 100 % végétal de Giardino Paris.
Un peu plus loin, Julie, une gourmande végétalienne, glissait : « Ce serait le moment idéal pour donner au végan un espace à part entière. »
Les attentes sont claires : plus de visibilité et, pourquoi pas, un trophée qui viendrait récompenser la meilleure création végétale.
2025 : un anniversaire sous le signe de l’innovation
Pour ses 30 ans, le Salon du Chocolat veut frapper fort : une centaine de nouveaux exposants, une comédie musicale chocolatée, un Pastry Show enrichi et des formats inédits. Le Brésil, pays invité d’honneur, apportera ses terroirs de cacao, ses fruits tropicaux et une culture culinaire qui pourrait bien inspirer les créations les plus audacieuses.
Côté végétal, si le programme reste discret, le défi est bien là. On espère que les grands noms annoncés dans le nouveau pavillon Remix (endroit où les chef·fe·s devront créer sur un fond de musique mixée) – de Cédric Grolet à Yann Couvreur, en passant par Jeffrey Cagnes – auront à cœur de surprendre avec des interprétations originales et 100 % végétales. Le chocolat végan, lui, bénéficie déjà d’une vitrine, notamment avec Songes et Cacao et leurs tablettes crues, bio et sucrées à la fleur de coco. Le véritable enjeu sera de découvrir jusqu’où les chefs pousseront l’expérience pâtissière, alliant gourmandise et éthique.
Virginia Ennor
Le Salon du Chocolat fête son 30ᵉ anniversaire du 29 octobre au 2 novembre 2025,
Porte de Versailles – Pavillon 5, 1 place de la Porte de Versailles, 75015 Paris
ouverture tous les jours de 10h à 19h
Soirée inaugurale : mardi 28 octobre à partir de 19h.
www.salonduchocolat.fr