Qui sont les sauveteurs de notre patrimoine historique ? Quels sont les visages derrière ces monuments qui durent dans le temps ? Qui protège les traces de notre passage sur Terre ? C’est à ces questions que répond l’exposition Les trésors sauvés de Gaza.

L’exposition démontre non seulement l’importance historique et archéologique de la région de Gaza mais à quel point elle nécessite d’être protégée. Elle met en lumière ces régions où le patrimoine n’est plus une priorité, montrant la nécessité d’organisations internationales tierces pour assurer une continuité de protection.


Une exposition majeure à l’Institut du monde arabe
Depuis le 3 avril 2025, l’Institut du monde arabe (IMA) donne à voir cette exposition bouleversante : une plongée rare et précieuse dans le patrimoine archéologique d’un territoire à la fois stratégique, culturellement foisonnant, et tragiquement meurtri.
Sous ce titre évocateur, l’exposition propose 130 œuvres majeures issues des fouilles archéologiques menées depuis 1995 par des équipes franco-palestiniennes. Objets du quotidien, mosaïques byzantines, artefacts antiques, cette collection témoigne de la richesse plurimillénaire de Gaza, carrefour incontournable depuis l’âge du Bronze. Ces trésors, aujourd’hui fragilisés par la guerre, sont autant de témoins d’un passé à préserver face à un présent incertain.






Une histoire de sauvetage et d’exil
Ce patrimoine exceptionnel est depuis 2007 à Genève, au Musée d’art et d’histoire, où il a été mis à l’abri, alors qu’il devait initialement retourner à Gaza. En raison des conflits successifs, plus de 500 objets ont été conservés dans 108 caisses, à l’abri, grâce à un partenariat pérenne et respectueux entre musées. La logistique nécessaire à leur rapatriement fut d’une complexité extrême, amorcée dès 2016, dans le cadre d’un projet initial autour des chrétiens d’Orient.
Parmi les principaux contributeurs à cette aventure muséale, l’entrepreneur gazaoui Jawdat Khoudary mérite une mention particulière. Visionnaire, il voulait fonder un musée à Gaza, aujourd’hui détruit. Sa collection privée, offerte à l’Autorité nationale palestinienne, est aujourd’hui présentée pour la première fois en France. Sa maison, son jardin, ses archives vidéos, tout raconte l’ampleur de la perte mais aussi l’acharnement à préserver.

Un patrimoine sous pression
Au cœur de l’exposition, une section est consacrée aux enjeux de la conservation du patrimoine en temps de guerre. Gaza, dont plus des deux tiers du bâti ont été récemment détruits, incarne cette urgence. Les visiteurs pourront découvrir des photographies inédites du début du XXe siècle issues des fonds de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem, ainsi qu’un état des lieux contemporain du patrimoine gazaoui, réalisé par divers groupes de recherche. On y parle de pertes scientifiques « énormes », mais aussi d’espérance paradoxale : celle de savoir que certaines pièces ont survécu.
Béatrice Blandin, conservatrice en archéologie au Musée d’art et d’histoire (MAH) de Genève nous dit : « Les sous-sols sont d’une richesse incroyable, c’est le paradis des archéologues, il y a tellement de civilisations qui se sont croisées ».

Gaza, située à la limite du désert, tournée vers la mer et le banc de dune littoral qui l’en sépare représente un poste frontalier naturel entre l’Égypte et l’Asie. La « vallée de Gaza » (Wâdi Ghazza) est le dernier havre de paix avant le désert inhospitalier faisant d’elle une région au riche passé commercial et politique. Elle a suscité tour à tour les convoitises des Égyptiens, des Assyriens, des Babyloniens, des Perses, des Grecs, des Romains, enfin des Mamelouks et des Ottomans.
L’Alliance internationale pour la protection du patrimoine (ALIPH), basée à Genève et active dans neuf pays en conflit, joue un rôle crucial dans la conservation de ce patrimoine fragile. En collaboration avec L’Oeuvre d’Orient, l’Autorité nationale palestinienne, le British Council, et le Musée d’art et d’histoire de Genève, l’IMA rappelle la nécessité de normes et conventions internationales sur l’insaisissabilité des œuvres, et leur préservation à long terme.


Au Liban : photographier pour se souvenir
En parallèle, l’IMA propose une rétrospective photographique du patrimoine libanais entre 1864 et 1970. Tirés des archives de la Bibliothèque Orientale de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, ces clichés témoignent de l’évolution du paysage, des monuments, et de la vie sociale libanaise. Des sites emblématiques tels que Byblos, Baalbek, Tyr ou Saïda y apparaissent, immortalisés par les premiers jésuites archéologues de la région. L’exposition est enrichie par un vaste travail de numérisation soutenu par la Fondation Boghossian et l’Institut national du patrimoine.




L’art comme refuge, la mémoire comme résistance
Avec cette double exposition, l’IMA ne se contente pas d’ouvrir les portes de l’histoire : il s’engage activement dans la préservation et la transmission d’un patrimoine en péril. Les trésors sauvés de Gaza est plus qu’une exposition : c’est un acte de résistance culturelle, un hommage aux « sauveteurs de la mémoire », archéologues, conservateurs, chercheurs, qui œuvrent, souvent dans l’ombre, pour que les traces de notre passage sur Terre ne soient pas effacées par la violence des hommes.
Laetizia Pietrini
Jusqu’au 2 Novembre 2025
Institut du Monde Arabe, 1 Rue des Fossés Saint-Bernard, 75005, Paris.
Du Mardi au Vendredi de 10h à 18h – Les weekends de 10h à 19h.
Réservation et tarifs de 0 à 11€ à https://www.imarabe.org/fr/agenda/expositions-musee/tresors-sauves-gaza-5000-ans-histoire