Sans l’ombre d’une ombre.
La Directrice de la Galerie nous renseigne en ces termes sur l’histoire de Papiers d’Art ,
« Créée fin 2018, la galerie Papiers d’Art met en lumière l’art du papier contemporain.
Venant du Japon, le papier m’a toujours fasciné par son immense expressivité et sa multiplicité. Il a toujours fait partie de mon environnement culturel et paysager.
Quelle a été ma surprise lorsqu’enfant en arrivant en France, je découvre dans les beaux musées en pierre de taille, des peintures monumentales représentant des nus renversés et cadavériques en train de tomber dans une mer hostile, des nus présentant une plaie dans le torse et cloués par les mains ensanglantées sur des rondins de bois, des soldats furieux qui cherchent des bébés pour les tuer ou une belle dame morte habillée comme une princesse flottant dans la rivière…
Toutes ces images étaient à l’opposé des styles de représentations tranquilles et silencieuses des écritures et des peintures de paysage et de nature morte que j’avais l’habitude de voir … Peu après, j’ai découvert les dessins qui ont constitué les étapes premières avant ces grandes compositions. Ils révélaient déjà la force et la solidité de la construction.
Dans les œuvres extrême-orientales, les artistes recherchaient le vide autour des objets mis en scène.
Aujourd’hui, pour beaucoup d’artistes, le papier est devenu une œuvre à part entière. Il sort de l’atelier pour vivre dans les collections (Fondation Guerlain), les musées et les salons d’art internationaux (Drawing Now) et les galeries d’art.
J’aime la cohérence dans les expositions ; j’ai montré aussi également des matériaux variés qui accompagnent le papier des artistes : le bois, le textile, la terre, le végétal, le verre, la résine, le métal, le numérique…Yuri Lévy-Kumata »
Les Artistes qu’elle nous présente jusqu’au 25 janvier 2025 sont :
. Jérôme Delépine
Abstraction faite, la matière chez Jérôme Delépine est un signe d’évocation, un plan de poésie et de spiritualité.
Parfois se révèle une citation plastique rêvée de Olivier Debré dans certaines de ses œuvres comme celle intitulée Spleen.
Où le geste de peintre s’ouvre vers un infini poétique qui se retourne vers nous-même.
Un plan peint au profondeur d’une douceur d’ange, à la quiétude de l’assurance d’un Je peignant, donc… étant.
Tranquillité de l’artiste, finalement et enfin, en soi.
En soi-m’aime.
Comme une réussite retrouvée et si attendue.
Espaces vaporeux aux mémoires lumineuses du sfumato naissant de Turner, et, des brouillards enfumés de Eugène Carrière.
Où des éclaircissements pointant, puissants, se dressent juste après les clairs-obscurs de Rembrandt. Dans la région opaque où le blanc s’affranchit.
. Louve Delfieu
Glaçons de matière photographique aux mirages présents tels ceux d’enfants ou d’être-fantômes, esquissés derrière le voile de la réalité.
Noirs comme un charbon ardent où la lumière crépite en un foyer centré.
Les paysages, les corps, les rivières grondent avec les éclairs de Giorgione de La Tempête où vibre et se ressent le trajet de l’humain.
Dans ces collodions humides sur verre, habités chacun d’une photographie numérique, le sang et la pensée s’écoulent dans un sombre lumineux de vie irrigué par des sources d’eau évoquant La Loue des paysages aux vallées rocheuses et de verdure de Courbet. Chez Louve D.
Ici, chemine en apparition la réflexion d’un Enfant Pensant semblable à un Blob – polysarum cephalum – intelligence et vie première d’un organisme eucaryote unicellulaire qui s’étend irréversiblement dans une énergie de lumière évoquant les clichés radiographiques pris par IRM et visualisés au moyen d’une injection iodée de préparation.
En plein coeur et sous les pavés proposés, un imaginaire artistique chaleureux qui tend et s’étend vers nous…
. Isabelle Palenc
Sur certaines de ses œuvres, les soleils y sont narcissiques et se mirent dans les flaques d’eau comme le ciel de Monet se noie sur des surfaces aqueuses ponctuées de nymphéas.
Terre, eau, ciel, matière à tout jamais réunis en une troisième dimension cristallisée en un lieu d’énergie et de forces chromatiques existentielles.
La technique est souvent celle au couteau comme si le reflet du soleil devait apparaître sur le métal de l’outil pour réchauffer l’âme et conduire la main de Isabelle Palenc.
D’autres formats présentés de tailles diverses font penser à l’Abstraction Lyrique où les gestes et les mouvements du pinceau produisent un All-Over de brindilles ardentes.
Un champ de broussailles rappelant La Grande Vallée de Joan Mitchell.
. Muriel Dorembus
La rigidité de la matière à vue, la verticalité de son socle frontal coloré se dresse devant nous avec l’exactitude d’un vouloir précis.
Une démarche rigoureuse et analytique, la lumière est comme dissociée, pesée et ordonnée dans un arrangement presque théorisé.
Un touchisme raisonné.
Sans hiérarchie volontaire.
L’Impressionnisme au plus près comme une sorte d’action.
Au plus près de la touche malgré tout, de sa cause et de sa motivation.
Rendue par des fixés sous verre aux reflets ajoutés…
Dans un silence d’aplats simulés.
. Anne-Andrée Carron
En ouverture de l’ensemble des quatre sculptures présentées par la galeriste s’annoncent cinq dessins d’arbre aux grappes mûres de couleurs d’où jaillissent des contes imprégnés de sentiments d’enfant.
Imaginaire de promenades buissonnières vécues en atelier.
Plus loin en pénétrant, sur le mur blanc, un bandeau ocré fleuri d’arbres successifs, ils sont situés dans la matière enveloppant le vivant et le visuel.
Distants et harmoniques. Une vision de songes.
L’œuvre sculptée d’Anne-Andrée Carron est une poésie frémissante et chuchotant au gré de son inspiration.
Elle rappelle, nous fait écouter les bruissements du vent sur les feuillages et les branches, comme en échos à des poésies.
Troublante, vivante, enracinée et solide, son Œuvre se dresse avec une autonomie et une fierté digne de louanges et de respect.
Structurée, évoquée dans un balancement lent entre le réel et l’imaginaire, ses arbres sont des réminiscences lointaines à la fois d’un point de vue biologique et naturel et celui formel puisant dans le champ de l’Histoire de l’art. Il évoque une liberté de penser et de pulsions créatrices sans cesse renouvelées.
Il s’agit là d’une émotion, une sorte de causerie secrète entre l’artiste, la nature et les références artistiques qui l’habitent.
Imprégnées dans son corps – vivent en elle – les veines et les nervures du feuillage jusqu’à celles de l’écorce menant aux cicatrices en mouvement du bout des racines.
L’artiste s’exprime à fleur de peau, à fleur de chair, à fleur de matières dans une relation précise au monde qui manifeste l’essentiel de son être, l’exigence de sa pensée et de son absolue nécessité dans un murmure authentique et fécond.
. Catherine Marchadour
Le papier est plissé comme entaillé par les plis subis et les fentes qui le parcourent linéairement.
Organisé pour produire un croisement régulier vertical et horizontal, ordonné de soleils se cachant à l’intersection des fissures tels des points cardinaux, le lieu peint nous rappelle Simon Hantaï.
Sorte de points ultimes de rencontres, ces soleils noirs et lumineux partiellement éclipsés et vifs brillent d’une matière chromatique. Ni rouge, ni noir.
Ils sont vivants par un métabolisme actif.
Structure géométrique évoquant l’espace quadrillé grec de Hippodamos de Milet et l’urbanisme antique des cités égyptiennes où siège la puissance métaphorique d’individus devenus ainsi constellations. Cette artiste pratique à la fois le pastel sous la forme de lignes colorées évocatrices d’un Rayonnisme ainsi que d’autres techniques abouties.
Devant et au-dessous de chacun de ces six artistes dans une lumière émergente, se résoud en secret les mystères de leur part d’ombre qui nous apparaissent par éclats et échos lumineux.
. Raoul Ubac
L’oeuf, premier soleil de la vie.
L’admirable L’oeuf de Raoul Ubac de 1939, obtenu par un procédé d’impression à l’encre grasse au moyen de gélatine bichromatée et insolée sur plaque de verre appelé phototypie dont une précédente présentation qui s‘inscrivait dans la parcours de visite PARIS SURREALISTE autour de l’exposition SURREALISME “organisée par le Centre Pompidou, l’Association Atelier André Breton et Comité Professionnel des Galeries d’Art, reste visible toujours chez Papiers d’art.
Cette présence affichée permet de poursuivre le dialogue visuel ininterrompu depuis la Rencontre avec Anne Delfieu et Louve Delfieu autour de la photographie de Raoul Ubac et Louve Delfieu au 30 rue Pastourelle.
Tout cela chez “ Papiers d’art“
Exactement!
Philip Lévy
Photos : Philip Lévy et galerie Papiers d’arts
Du 12 décembre 2024 au 25 janvier 2025,
Galerie Papiers d’art, 30 rue Pastourelle 75003 Paris
du mardi au samedi de 12h à 19 heures et sur rdv.