L’artiste franco-américaine Suzanne Husky met le lien à la terre au centre de son œuvre. Comme une rivière qui grandit et fait son lit en embrassant la diversité des terres nourricières et des flux qui l’alimentent, l’artiste amplifie son rapport sensible au monde en renouvelant sans cesse ses pratiques, ses savoirs et savoir-faire.
« Depuis le début des années 2000, Suzanne Husky donne une manifestation plastique et critique aux problématiques environnementales : la représentation, le traitement, l’exploitation des paysages, des animaux, la mise en lumière de pratiques alternatives, l’agriculture, la déforestation, etc. Ces problématiques mettent en évidence une déconnexion flagrante entre les humains et la nature. Sa réflexion menée sur les différentes formes d’exploitations et de destructions des ressources naturelles, s’accompagne inévitablement de questions connexes liées à l’asservissement, l’autorité, la surveillance, le pouvoir, l’inconscience, le cynisme, la responsabilité, la violence ou encore l’impuissance. » (Julie Crenn)
Dans Le temps profond des rivières, Suzanne Husky nous invite à reconsidérer le temps profond des rivières à travers l’Histoire géopolitique des alliances entre humains et castors. Une aventure épique, pensée avec la collaboration du philosophe chercheur Baptiste Morizot, qui fourmille de savoureuses saynètes, et nous réancre dans un monde plus vaste et plus merveilleux que celui de l’histoire des hommes : la grande histoire du vivant.
Le castor, premier bâtisseur après l’homme
Au centre de l’exposition, une pièce maîtresse renferme toutes les autres et constitue un tour de force, technique et symbolique : un rouleau de papier dessiné de près de huit mètres de long. Il se réfère explicitement à la tapisserie de Bayeux (également appelée « toile de la conquête », qui relate l’assaut de l’Angleterre par le duc de Normandie au XIe siècle) mais ici, le héros c’est le génie des marécages, la clef de voûte sans laquelle on ne peut penser la santé de nos écosystèmes, un personnage assailli qu’on espère voir sortir vainqueur : le providentiel castor.
Comme dans les fameux rouleaux peints asiatiques du Moyen Âge qu’on parcourt à sa guise, c’est un véritable roman fleuve, qui conte l’Histoire géopolitique des alliances entre humains et castors à travers les âges.
Par une pratique appliquée du dessin mêlant exactitude scientifique, et visions holistiques d’une nature réenchantée, gouaches, aquarelles, et encres font renaitre le visage oublié des rivières en bonne santé, des milles et unes espèces en déclin, qui peuplent d’ordinaire son écosystème, et ravive notre lien originel à la zone humide.
Suzanne Husky
Diplômée de l’école des beaux-arts de Bordeaux, Suzanne Husky artiste franco-américaine, a régulièrement exposé aux États-Unis : à l’aéroport international de San Francisco (2017), au De Young Museum (2010), à la Triennale Bay Area Now 5 au YBCA de San Francisco (2008), au World Financial Center de New York ou encore à Art Basel Los Angeles ainsi qu’au Headland Center for the Arts de Californie. Elle a également exposé à la Villa Médicis, au Domaine de Chamarande (2023), à l’IAC Villeurbanne/Rhône-Alpes, au Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA à Bordeaux (2020), au Museum of Modern Art à Varsovie (2020).
Lauréate du Prix Drawing Now (2023) et du premier Prix de la Fondation Choi pour l’art contemporain (2021), elle a participé à la Biennale de Lyon (2022), la 16e biennale d’Istanbul (2019), celles de Timișoara et de Bordeaux Evento et a été invitée en résidence par Pollen à Monflanquin ou encore au centre d’art et de design La cuisine à Nègrepelisse.
Ses œuvres peuvent prendre la forme d’un sol aggradé (régénéré), d’une jardin-forêt, de la recherche des savoirs de la terre présents dans les contes, d’une tapisserie sur les oiseaux et la pédogenèse (ensemble des processus qui, en interaction les uns avec les autres, aboutissent à la formation, la transformation ou la différenciation des sols) ou encore d’un impressionnant corpus de dessins naturalistes qui conte la complexité biophysique, culturelle et politique de la rivière. Elle crée en 2016 avec Stéphanie Sagot Le Nouveau Ministère de l’Agriculture, une institution fictive qui tend à démasquer les absurdités des politiques agricoles françaises et propose des solutions concrètes pour sortir d’un modèle de société extractiviste.
Autour de l’exposition
— Visites guidées les mercredis et samedis à 15h30 sur réservation ;
— Visites en famille ou avec l’école sur réservation ;
— Médiation du mercredi au vendredi de 11h à 19h
— Catalogue de l’exposition Le temps profond des rivières, Édition Drawing Edition La Manufacture
de l’image.
— Ateliers de pratique artistique Drawing Academy pour enfants (dès 6 ans) tous les de 15h à 16h30 sur réservation.
– Mercredi 6 mars à 19h30 : Dialogue entre Suzanne Husky et Camille de Toledo, essayiste et écrivain À l’heure où les forces productives animales, végétales, minérales sortent petit à petit de l’invisibilité, Suzanne Husky et l’écrivain et chercheur Camille de Toledo – qui mène actuellement le programme de recherche « Vers une Internationale des rivières et autres éléments de la nature… » avec L’Institut d’Études Avancées et le Lieu Unique – échangent sur les possibilités d’une nouvelle relation avec les entités de la nature, réorientée vers la vie.
– Samedi 6 avril à 19h30 : Fête du Castor – Soirée pluridisciplinaire dans l’exposition (concert, performances, visites, etc.)
du 26 janvier au 7 avril 2024
Drawing Lab, 17 rue de Richelieu, 75001 Paris
Ouvert tous les jours de 11 h à 19 h11 – entrée libre
photos : Véronique Spahis