« J’ai pu danser seul sur le toit de l’opéra du Havre » se félicite Mathieu Forget. Le danseur-photographe ne cache pas sa joie au moment de présenter sa toute nouvelle exposition, The Levitation Project. Cette dernière, qui s’inscrit dans le cadre des Jeux Olympiques et Paralympiques Paris 2024, lui a permis de repousser ses limites. Au total, ce sont près de cinq mois de travail qui ont été nécessaires pour capturer ces photographies aériennes. Aux quatre coins de la Seine Maritime, Mathieu Forget donne des ailes aux lieux emblématiques du département.
Véritable star sur les réseaux, Mathieu Forget, alias Forgetmat sur Instagram, n’en finit plus de proposer de nombreux projets en lien avec les épreuves olympiques de cet été. Mais pour cette nouvelle exposition en Normandie, le traitement du sujet n’est pas classique. Il s’agit au contraire de « retourner les sujets, de changer la perspective et le regard » liste l’artiste.
Danseur et performeur, mais aussi grand amoureux de la photo, le français a débuté sa carrière outre-Atlantique. On lui donne un surnom éloquent : « the flying man » (l’homme volant). Mais pourquoi donc avoir atterri ici ?
Si Mathieu confesse qu’il ne connaissait pas véritablement la région avant cette collaboration, il explique être tout de suite tombé en admiration devant les différents lieux historiques et patrimoniaux de la Seine-Maritime. « La cathédrale du Havre est un lieu magnifique » note-t-il, à titre d’exemple.
Le mariage entre le département et le travail de Mathieu Forget semblait donc évident ; l’artiste a dès lors fait du territoire normand s’étalant d’Elbeuf à Tréport en passant par Le Havre et le chef-lieu rouennais, un véritable terrain de jeu où il laisse parler sa créativité. Un grand « travail sur la lumière, naturelle et artificielle » a notamment été réalisé. L’idée est en effet de raconter d’une autre manière la région et ses lieux d’intérêts.
Palette de couleurs
Chaque photographie représente ainsi des lieux emblématiques de la région. L’exposition se découpe en fonction des couleurs qu’a choisi de représenter Mathieu Forget.
Ainsi, cinq périodes se distinguent dans l’exposition, pour autant de couleurs différentes. Celles choisies sont, bien évidemment, olympiques. Ces dernières sont mises en avant par les tenues monochromes qui fardent l’artiste. « J’ai cinq tenues spécifiques pour le projet » explique-t-il.
En fonction du lieu, Mathieu s’est amusé tantôt à se fondre parfaitement dans le décor ; tantôt à ressortir, soulignant ainsi les prouesses acrobatiques qu’il réalise. Notons sa photographie au Stade Océane au Havre où ce dernier semble ne faire plus qu’un avec son ensemble bleu et les sièges de l’enceinte arborant les mêmes couleurs. En revanche, au cœur de l’abbaye de Jumièges, les couleurs vives de son costume accrochent davantage le regard, car en décalage. « L’oeil regarde soit la tenue, soit le lieu », glisse l’artiste.
Défi technique
Pour réaliser ces photographies, Mathieu Forget n’était pas seul. Accompagné de son équipe, l’artiste s’est également appuyé sur l’utilisation du drone pour produire des photos aux angles déroutants. Ainsi, pour « retourner le sujet », matrice du projet, Forgetmat ne dévoile pas seulement un angle, mais plusieurs, pour chacune des prises ; l’une montrant l’inverse de l’autre, en fonction de la prise de vue.
La même scène, observée différemment, permet de décomposer le travail sportif de Mathieu Forget. L’on voit ainsi toute la force, l’énergie et l’abnégation qui ont été déployées dans ce projet. Le changement d’angle modifie aussi la lumière. « On raconte trois histoires différentes avec une même lumière » sourit l’artiste, fier de son procédé.
Pour parfaire ce projet, un film a été tourné tout au long de ce périple, présentant à l’instar d’un spot publicitaire, un Forgetmat dans toute sa splendeur, enchaînant les acrobaties les plus abracadabrantesques et époustouflantes. Pour certaines, on le voit accompagné d’athlètes locaux ; pour d’autres, il fait face à l’immensité de la nature, notamment à Etretat où la célèbre falaise a eu droit à une nouvelle mise à l’honneur. « Je voulais faire transparaître l’énergie de l’eau ainsi que le lien entre Homme et nature » décrit le photographe.
Travail sérieux
Derrière ces réflexions, Mathieu Forget s’impose une méthode de travail très rigoureuse, une discipline de chaque instant ; « j’aime les choses carrées » déclare-t-il. Notons, en ce sens, une maîtrise parfaite de sa photographie, des plans léchés, ainsi qu’une finition en studio qui donne un aspect extrêmement net et clair aux productions. Le côté « carré » de Forgetmat, cette auto-discipline, semblent presque être un peu trop poussés à l’extrême, donnant une impression d’œuvres quelque peu aseptisées, manquant de caractères.
A l’inverse pourtant, Mathieu nouslivre son grand attachement à la spontanéité dans son œuvre. Ainsi, ses mouvements ne sont pas pensés, il travaille à l’instinct, multipliant les prises pour n’en garder plus qu’une seule à la fin.
Un peu de légèreté qui pousse finalement à viser le ciel ; un véritable mantra que Mathieu Forget dévoile dans ses différentes créations. Preuve en est avec, au centre de la scénographie, une statue de sa propre personne, grandeur nature, en totale lévitation. Une invitation à toucher du doigt notre rêve de voler.
Suspendue dans les airs, elle permet de prendre la mesure de l’exploit sportif réalisé. Juste ciel !
Gabriel Moser.
Du 10 juin au 06 septembre 2024
Hôtel du département de la Seine-Maritime, 2 Quai Jean Moulin, 76100 Rouen.
Entrée libre, du lundi au vendredi, de 10h à 17h.