Une actrice
Ecrire peut être d’un mortel ennui. Ecrire peut aussi cacher des désirs inassouvis, des désirs de grandeur, d’intelligence ou que sais-je encore. Ecrire pour le plaisir de partager, en acceptant de n’atteindre jamais la lumière du texte dont on souhaite parler… c’est cela une chronique. Et il en est de plus facile à rédiger que… d’autres. On se précipite au théâtre pour voir les monstres sacrés (quel drôle de nom, tout compte fait) et on a bien raison. C’est ce que démontre avec force et espièglerie ce spectacle. J’aurai eu le plaisir immense de voir trois fois Judith Magre sur scène. Trop peu et beaucoup à la fois. Car je mesure tout autant le manque de ne pas l’avoir admirée dans les innombrables rôles qu’elle a interprétés et le privilège de la voir ce soir encore, quand tant d’autres n’auront pas cette chance.
On parle d’elle comme d’une princesse égyptienne, on rêve tout comme les deux hommes impliqués dans ce projet artistique, de s’asseoir auprès d’elle et l’entendre conter la vie incroyablement palpitante et romanesque qui fut la sienne. Eh bien vous pouvez toujours courir ! Judith Magre n’est pas de celles qui regarde le miroir, mon beau miroir, pour lui dire qu’elle est la plus belle et que son parcours suscite le respect et mérite les honneurs bla bla bla bla… Le passé, elle s’en fout comme d’une guigne. La soif d’apprendre des textes, de jouer pour mieux se renouveler et exister encore un peu, voilà bien ce qui la pousse sur les planches.
Alors elle ne se livre pas. Ou pas beaucoup. Mais si, quand même, un peu. Ou en creux au travers de ce merveilleux monologue de femme amoureuse que lui offrit Philippe Minyana. Quoi de mieux que d’observer faire l’actrice pour cerner les contours d’une femme aussi vibrante que passionnée ? Pierre Notte l’a bien compris. Il la soutient, la titille, la bouscule gentiment, la pousse dans ses retranchements pour qu’elle se livre, après que la comédienne ait cédé la place pour que la femme se dévoile. Tout au moins le croit-on. Judith concèdera d’évoquer à demi-mots, à mots comptés, souvent drôles, parfois tranchants, le parcours d’une vie qui se dessine en pointillés. Je ne saurais dire pourquoi quelque chose de très américain se dégage de ce spectacle qui flirte par instants avec la comédie musicale. Je sais en revanche vous dire l’émotion qui fut la mienne de voir le comédien/metteur en scène et sa muse croiser le fer. Car comme je le disais à Pierre Notte après la représentation, la tendresse qu’il manifeste à Judith Magre dans ce pur bijou de théâtre, est précisément celle que j’aurais tant aimé manifester à Jacqueline Maillant si la vie m’y avait autorisé.
PS : je ne le fais jamais car les dossiers de presse sont parfois très ennuyeux mais après avoir vu cette pièce (surtout pas avant pour ne pas spoiler vos émotions), je vous invite à lire celui de Une actrice, et en particulier ce que Pierre Notte y a écrit… j’en suis vert de jalousie.
Le pitch :
Un écrivain rencontre une actrice. Il veut écrire un livre sur elle. Elle s’y oppose. Il veut la faire parler, les gens qu’elle a connus, son travail, sa carrière. Mais elle refuse, elle veut vivre au présent, ici et maintenant.
Philippe Minyana s’appuie sur ses rencontres avec Judith Magre et ses récits, ses rendez-vous avec Aragon, Sartre et Beauvoir, Céline et Giacometti. Il s’appuie sur son amitié avec Pierre Notte, et leur passé commun à tous les trois prend vie dans un échange incisif et tranché, mordant et drôle, que ponctuent trois chansons interprétées sur scène par Marie Notte.
Une actrice
Auteur : Philippe Minyana
Mise en scène : Pierre Notte
Avec : Judith Magre, Pierre Notte et Marie Notte
Jusqu’au 20 mai 2018, du mardi au samedi à 21h00, le dimanche à 15h00
Théâtre de Poche Montparnasse
75 Boulevard Du Montparnasse
75006 Paris
David Fargier – Vents d’Orage