Vertigo à la Villa Carmignac, turbulentes abstractions

Du 26 avril au 2 novembre 2025, la Fondation Carmignac, sur l’île de Porquerolles, poursuit son enquête sur les mouvements de l’âme à travers les secousses du visible, les vacillements du monde dans sa nouvelle exposition Vertigo. Quarante et un artistes y célèbrent l’abstraction en monumental et nous font plonger dans les vagues de la perception là où le vent, le rayon vert, l’illusion composent un ballet sidéral.

Matthieu Poirier, philosophe des formes en suspension et commissaire d’exposition réputé pour ses explorations de l’art optique et cinétique, orchestre cette mise en lévitation sensorielle. À l’inverse d’un musée-bunker, la Villa Carmignac, écrin ouvert à la lumière du Sud, se fait ici navire : chaque salle un hublot sur l’infini, chaque œuvre une houle.

« Une approche du paysage où les phénomènes naturels vont résonner avec les phénomènes visuels« . (Matthieu Poirier)

Sous le titre trompeur d’un simple Vertigo, clin d’œil à Hitchcock mais ancré dans l’étymologie du vacillement, c’est une odyssée du regard qui se joue. Depuis les années cinquante jusqu’à nos jours, des artistes de toutes latitudes se sont penchés au bord du gouffre visuel : effets moirés, illusions d’optique, suspensions, transparences, modulations lumineuses, vibrations telluriques… Ils nous tendent un miroir liquide et instable. Nous y cherchons notre reflet mais ne trouvons qu’un monde en dissolution.

Ici les œuvres ne se laissent pas approcher sans résistance. Elles tremblent, s’échappent, parfois vous happent dans un chromatisme rouge vermillon pour James Turrell, jaune solaire pour Gerhard Richter. Les volumes sculptures en suspension dialoguent avec l’eau, le bleu Klein, le soupir de notre humanité. Un spectaculaire kaléidoscope acidule le paysage, émerveille le regard, capture notre enfant alchimique.

Les œuvres de Julio le Parc, Carlos Cruz-Diez ou Bridget Riley répondent à des créations plus récentes, portées par une conscience aiguë des changements climatiques et de la fragilité du vivant. L’abstraction devient organique. L’horizon est une ligne respirante et le vide une matière.

Matthieu Poirier, fidèle à son approche phénoménologique, nous invite à ne pas simplement voir mais à expérimenter. La perception est mise en crise et c’est là sa joie. À l’heure où les écrans figent les gestes et les opinions, Vertigo libère les sensations. On sort de là comme on sort d’une plongée en apnée, les sens accrus, l’esprit lavé de ses certitudes.

Dans le parc sur la Méditerranée, les œuvres en extérieur prolongent le jeu du tremblement. Entre pins et oliviers, l’abstraction n’est plus qu’un dogme, elle est une oscillation, un chant du monde que l’on croyait muet.

Vertigo, ce n’est pas seulement l’art que tu regardes. C’est toi-même, ton être, ton vertige !

Les artistes : John Armleder, Oliver Beer, Anna-Eva Bergman, Jean-Baptiste Bernadet, Frank Bowling, Alexander Calder, Lynn Chadwick, Chu Teh-Chun, Caroline Corbasson, Isabelle Cornaro, Carlos Cruz-Diez, Philippe Decrauzat, Olafur Eliasson, Helen Frankenthaler, Bernard Frize, Hans Hartung, Raphael Hefti, Jeppe Hein, Leiko Ikemura, Ann Veronica Janssens, Véronique Joumard, Yves Klein, Emily Kraus, Artur Lescher, Heinz Mack, Flora Moscovici, Otto Piene, Gerhard Richter, Bridget Riley, Rotraut, Thomas Ruff, Hugo Schüwer Boss, Conrad Shawcross, Francisco Sobrino, Jesús Rafael Soto, Pier Stockholm, Thu-Van Tran, James Turrell, Günther Uecker, Fabienne Verdier, Jef Verheyen.

Valmigot

Du 26 avril au 2 novembre 2025,

Villa Carmignac, Île de Porquerolles, La Courtade, 83400 Hyères

Du mardi au dimanche, fermé le lundi – Avril à juin et septembre à novembre : 10H/18H – Juillet et août : 10h/19h – Nocturnes les jeudis jusqu’à 22h

villacarmignac.com