Watine : Géométries sous-cutanées

Vous penserez peut-être que j’enfonce des portes ouvertes en vous disant combien le paysage musical s’est appauvri ces dernières années. Tout sonne un peu à l’identique, tout le monde pioche sans vergogne dans les mêmes bases de données sonores, peu à peu les instruments organiques désertent les studios d’enregistrement au profit du… virtuel. Il faut vivre avec son temps mais lorsque ce temps est à l’uniformisation outrancière et au remplissage d’albums où seuls un ou deux titres surnagent dans un océan d’inutilité, pour faire des vues sur YouTube, comme ils disent, les amoureux de musique qui ne la consomme pas comme des kleenex peinent à y trouver leur compte.

Quand je parle d’appauvrissement du paysage musical, je parle de celui que l’on voit, que l’on entend sur son smartphone, celui que des playlists prédigérées que les interfaces de streaming délivrent sur la foi d’algorithmes froids et idiots. Mais il y existe aussi une création foisonnante, intrépide, audacieuse qui ne se préoccupe guère de ce que l’on en dira. Watine fait partie de cette race d’artistes qui composent et écrivent d’abord pour eux-mêmes, convaincus que la qualité et la pertinence de ce qu’ils proposent tient d’abord à leur propre amour du travail bien fait. Lorsqu’on pénètre l’univers de Catherine, l’on comprend très vite son attachement au vrai et au sincère. Accrochée à son Pleyel dont elle dit ne pas pouvoir se passer, ne serait-ce qu’une journée, Watine cherche, creuse, dissèque avec une attention clinique, peaufine. Géométries sous-cutanées est un diamant qui ne révèle tous ses éclats qu’après plusieurs écoutes, patientes et attentives. Après des incursions dans la folk et la chanson française, on plonge ici dans ce que d’aucuns qualifieraient de post pop comme on parla de post rock à l’arrivée de Mogwai ou de Sigur Ros.

Le titre du disque évoque la mécanique du corps portant le mystère de la conscience, réceptacle de l’univers tout entier. A l’instar du travail d’Hector Zazou, ou de manière similaire au Vespertine de Björk qui disait la magie, la magnificence de l’extérieur de nous, de la nature, de ces cliquetis et de ses fracas, Géométries sous-cutanées raconte le voyage intérieur, profond, dans les arcanes de la chair mais aussi de l’âme, dans l’acception la plus spirituelle qu’on puisse en donner. Quasiment instrumental, tantôt doux et cathartique, tantôt tribal et conquérant, une galette riche de subtilités sonores, d’onirisme et de mélancolie romantique. Saisir une telle entreprise s’avère un peu vain lorsque tant de vocables pourraient encore être convoqués : lumineux, baroque, néo-classique, menaçant et apaisant, enfantin, subliminal, expérimental… N’en jetons plus puisqu’ils ne suffisent pas à dire… la beauté d’une œuvre.

David Fargier – Vents d’orage

Watine : Géométries sous-cutanées

Disponible aux formats CD, vinyle et numérique ici :

https://watine.bandcamp.com/album/geometries-sous-cutanees

Vidéos extraites de l’album :

Hearth walking : https://youtu.be/GIpV5DjHtp0

Sheer power : https://youtu.be/_IpD2XM2Ido