“Notre-Dame brûle, en même temps que moi ! Et j’ai mal, et je souffre, car elle se consume sur le plomb de ses toits. Paris, ma ville qui la regarde et qui n’en revient pas. Paris qui se souvient, ce soir, pour la première fois en ce siècle nouveau. Qui se souvient de moi ! De moi qui lui raconte la mort de Gabriel pour que l’amour la gagne au soufre de mes flammes !”
Le soir du 15 avril 2019, tous les Parisiens sortis dans la rue contemplaient, le cœur serré, la cathédrale en flammes. Alors qu’elle commémore cet incendie, la ville confinée a plus que jamais besoin de consolation et d’espoir. Et quel plus grand signe d’espoir que la joie d’un enfant ? Avec son premier, roman, Agathe Chenevez nous offre la joie simple et belle de Gabriel, un gamin de Paris atteint d’un cancer en phase terminale. La jeune auteure nous rappelle avec délicatesse et poésie que la vie est toujours victorieuse de la maladie.
Gabriel n’a pas dix ans, mais il va mourir. Envahis de tristesse, révoltés face au drame, ses parents luttent pour ne pas sombrer. Les médecins désespèrent et les passants s’apitoient devant le bonnet bleu de ce petit qui a perdu ses cheveux. Pourtant Gabriel reste, lui, profondément joyeux. Il va peu à peu montrer à son entourage que tout n’est pas fini, puisqu’il y a la peinture et la musique, puisqu’il y a Paris. Quand le petit malade meurt, c’est comme une allumette qui s’éteint, et toute la ville pleure : Notre Dame s’embrase alors pour crier sa douleur.
Agathe Chenevez a su allier un ton grave et une justesse des mots pour traiter avec une grande maturité le drame du cancer, drame d’autant plus douloureux quand il touche un enfant. Malgré la tristesse du sujet, le récit reste vraiment lumineux sans pour autant en être niais.
L’auteure a mis sa foi dans l’art ; c’est lui qui garde allumée la petite étincelle que tous les éléments voudraient souffler. L’art se manifeste dans les opéras de Mozart, les grandes fresques de Chagall et l’architecture de Notre Dame. Mais l’art s’entend aussi dans ces quelques notes envolées du piano dans une gare, il se voit sur les tableaux des peintres de rue à Montmartre. L’art se révèle enfin par la poésie, cette muse qui inspire le Paris des artistes.
Même s’il s’agit d’un roman, l’auteure a choisi d’écrire sous forme d’échange théâtrale pour rendre le style plus vivant et spontané. Elle s’inspire de Claudel, on admire d’ailleurs dans les vers d’Agathe Chenevez le même élan, le même rythme vivant comme les battements du coeur. On retrouve aussi dans cette oeuvre quelque chose de Saint Exupéry : Petit Prince du vingt-et-unième siècle, Gabriel est perplexe face au monde gris des adultes, ce monde auquel il va redonner des couleurs.
Quand le destin d’un tout petit garçon croise celui d’une immense cathédrale, une étincelle jaillit et nous laisse entrevoir, Le temps d’une allumette, la splendeur de Paris et la joie d’une vie.
Savéria Costantini
Le temps d’une allumette d’Agathe Chenevez
Éditions de La Martinière (Paru le 19 mars 2020)