« Mona Lisa TAPA tout dit », la grande remise en question.

En ce jour anniversaire de la naissance de Léonard de Vinci est lancée virtuellement une exposition d’art contemporain organisée par la Bibliothèque Universitaire de la Polynésie Française sous la houlette de Claire Mouraby, sa directrice et de ses deux commissaires d’exposition, Here’iti Vairaaroa et Valmigot : « Mona Lisa tapa tout dit ». L’exposition physique sur site, ouverte gratuitement au public se déroulera en octobre prochain, tel un laboratoire d’idées pour phosphorer à l’unisson.

15 avril 2020, premier jour officiel de la journée mondiale de l’art reconnue par l’UNESCO grâce aux actions de l’AIAP et du CNFAP sa branche française ou le changement de paradigme qui en ces temps de covid-19 nous pousse à nous réinventer.

Quand sortir de sa zone de confort, c’est justement devoir y rester, improviser, recréer le monde, son rapport à l’autre pour y survivre. L’art comme a dit Malraux est le plus court chemin de l’homme à l’homme. Alors, pas question de renoncer au lancement d’une exposition basée sur une réflexion collective poussant chacun des artistes sélectionnés à plancher artistiquement sur un processus ancestral « made in » pacifique.

« made in », notre quotidien est saturé depuis l’enfance par ces deux mots anglophones. Notre corps porte en permanence cette écriture vidée de sens à force de mondialisation.

A l’heure actuelle, un simple jean est la somme d’éléments fabriqués aux quatre coins du globe. « made in » est juste l’endroit où toutes ces pièces ont été assemblées. Certains y verront une mosaïque cosmopolite funky quand d’autres s’interrogeront sur l’accélération de la perte de charge culturelle de toute production.

Chers lecteurs savez-vous ce qu’est le TAPA ?

Le TAPA est une étoffe non tissée obtenue après battage d’écorce. Dans ses différentes fonctions, elle véhicule l’histoire matérielle et immatérielle du Pacifique. Porteur d’une forte charge symbolique, le TAPA a vêtu les hommes et les femmes de la naissance jusqu’à la mort.

Inscrite encore aujourd’hui dans une temporalité mythique de recréation permanente, la Polynésie cherche sa mémoire partiellement perdue dans la rupture de sa transmission orale. (cf art. « Tapa compris » :  http://itartbag.com/tapa-compris/)

Stéphane Motard ouvre le bal avec sa proposition lapidaire et la caractérise ainsi : « Le minéral en écho du végétal dont il est intimement lié, le chromatisme des différentes veines en écho aux couleurs du Tapa, dans une sculpture anthropomorphe épurée et symbolique des proto-humains dans la tradition polynésienne ». Oui, ça interpelle et pousse à chercher ce qu’est réellement un Tiki.

Teva Victor, depuis toujours dans cette approche lapidaire, va plus loin dans l’humanité de sa proposition résolument monumentale.

Le très discret BERNI, déjà exposé à Minimenta, œuvrant à Moorea, a pris au pied de la lettre, « TAPA tout dit ». Nommée « Tissu social », sa proposition s’articule dans la population locale autour d’un travail collectif de fabrication de Tapa, où chacun selon son souhait a créé sa part d’étoffe, tel un colibri, pour l’offrir en partage. BERNI s’est chargé lui même de l’assemblage avec la projection d’une double lecture : Recto pour le groupe, verso pour un discours personnel, qui ne sera dévoilé complètement que sous la lumière de l’exposition réelle.

L’artiste Moetu Motu dans une installation évoquant la peau, ses combats, sa résilience, travaille sur la notion d’héritage, de transmission et de réparation en incluant dans des bâches translucides brûlées des végétaux suggérant une régénération encore possible.

La singulière Vaea Dang sous le pseudonyme CONCRETEMENT DESIGN interroge à partir de matériaux pauvres du quotidien, de simples emballages de bonbons chinois, « dont la texture et la fragilité rappellent celles du Tapa mais aussi la prégnance d’une odeur caractéristique dans les deux cas » précise-t-elle. Elle déclare :« Deux éléments ont retenu mon attention lorsque je me suis intéressée à la fonction du Tapa dans la société traditionnelle : la démonstration du niveau social en fonction de l’écorce utilisée et de sa quantité ainsi que la récurrence du Tapa dans les zones de migration polynésienne. J’ai souhaité continuer ce raisonnement, le transposer au Tahiti moderne en utilisant ces emballages de bonbons. Cela me rappelle les négociations dans la cour de récré pour en obtenir. C’est un clin d’œil à la migration de la population chinoise qui est venue s’installer en Polynésie pour développer les champs de coton ». Ces derniers ont détrôné le Tapa.

L’inattendue Lovaïna Guirao dans sa démarche olfactive sublime autant le contenu que le contenant portant suavement « l’holisme » de son art dans une installation inédite aux essences entre autres de Hinano, la fleur du pandanus.

L’émergente Iho Tumu s’expose dans son double en art brut bousculant la proposition très léchée de MAIMOA, à savoir un sextoy composé de matériaux locaux et définit comme « un très bel objet à connotation misérable ».

Le numérique trouve sa place avec le mapping vidéo de Te Araiti, pionnière en Polynésie, qui se réapproprie Mona Lisa la transformant en Mona Hina ; avec le court-métrage d’animation de Leia Chang Soi en reo Tahiti (langue tahitienne) qui fait du tatouage un décor naturel ; ainsi que le jeu vidéo SeedOut Fenua d’Henry Medeau qui va bien au-delà du cadre en favorisant la reforestation dans le monde réel.

Cette réflexion commune qui s’affranchit des origines culturelles de chacun des participants, revendique, comme l’a souligné en toute humilité Claire Mouraby, « le droit à l’errance ». Nous y sommes bien avec une proposition iconoclaste, engagée et innovante.

Comme suggéré par Jean Cicutta, les codes sont bousculés, non pour heurter mais pour pousser toujours plus loin le dialogue, pour maintenir le souffle. D’ici ou d’ailleurs, de Monch, Anne Bothuon, Anna Marchlewska jusqu’à Marare, Pierre Motahi, Ravage et tous les autres, l’art nous construit et rassemble ce qui est épars.

Les artistes sélectionnés sur cette édition sont :

A’AMU, BERNI, Anne BOTHUON, Sébastien CANETTO, Leia CHANG SOI, Jean CICUTTA, Corinne CIMERMAN, CONCRETEMENT DESIGN, Bruno CURET, Andreas DETTLOFF, Jean DUDAY, Eric FERRET, Jean Paul FOREST, K.XIII.F, Nelly GAY, GAYA, GOTZ, Lovaïna GUIRAO, IHO TUMU, KAY, MAIMOA, MANU FT, Anna MARCHLEWSKA, MARERE ,Henry Médeau, MOETU MOTU, MONCH, Pierre MOTAHI, Stéphane MOTARD, Claire MOURABY, RAVAGE, RIVAL, Karine ROUé, Tahiri SOMMER, THODé, TE ARAITI, Herearii TUAHU, VALMIGOT, VASHEE, Teva VICTOR.

L’organisation de l’exposition bénéficie du soutien des galeries d’art de Papeete, la Galerie des Tropiques et la Galerie Winkler ainsi que de la compagnie aérienne internationale Air Tahiti Nui ATN, du Musée de Tahiti et des Îles sans oublier le Centre culturel ARIOI, l’AIAP et le CNFAP.

Mona Lisa TAPA tout dit

Lancement virtuel à partir du 15 avril 2020 sur les réseaux sociaux et sites suivants :

Page Facebook : https://facebook.com/events/s/mona-lisa-tapa-tout-dit-lancem/589375165172622/?ti=ic

Catalogue en ligne : https://fr.calameo.com/read/004630623fde7e1ec7927.

Chaine YouTube : https://www.youtube.com/channel/UCnILyhL2_ewhYMENN3voZSA/about?view_as=subscriber

It Art Bag : http://itartbag.com/mona-lisa-tapa-tout -dit/

AIAP – Association Internationale des Arts Plastiques ONG conseil auprès de l’UNESCO : http://www.aiap-iaa.org/photos.wad.2.htm#tahiti

CNFAP – Conseil National Français des Arts Plastiques : http://www.cnfap-artsplastiques.org

Bibliothèque Universitaire de la Polynésie française

Campus d’Outumaoro – Punaauia BP 6570

98702 Faa’a –Tahiti Polynésie française

Lancement de l’exposition mi-octobre 2020 (dates à confirmer).

Contact organisation : wad.tahiti@gmail.com