Autophoto, de 1900 à nos jours
Autophoto ou quand l’auto devient sujet photographique à part entière.
L’exposition qui s’est ouverte le 20 avril dernier à la Fondation Cartier montre différentes facettes de l’impact visuel de l’automobile depuis les années 1900. Que vous soyez passionné de photo ou d’auto ou des deux, Autophoto ne peut que vous réjouir ! Au-delà de la richesse sociologique de cet événement, la puissance des images vaut à elle seule le déplacement, magnifiquement scénographiée.
À travers près de 500 œuvres de 100 photographes historiques et contemporains originaires des quatre coins du monde tels que Jacques-Henri Lartigue, Lee Friedlander, Rosângela Renno ou Yasuhiro Ishimoto, l’exposition révèle comment l’automobile est devenue, depuis son invention jusqu’à nos jours, un sujet et un outil pour les artistes. Captant les lignes sinueuses des routes, jouant avec les reflets des rétroviseurs et le cadre des pare-brises ou encore explorant notre relation avec cet objet de désir, les photographes nous invitent à regarder autrement l’univers de l’automobile. Le parcours de l’exposition réunit également des maquettes d’automobiles réalisées pour l’exposition par l’artiste Alain Bublex, portant un regard nouveau sur l’histoire du design automobile. À travers un ensemble d’œuvres organisé autour de grandes séries, l’exposition s’intéresse à la façon dont l’automobile a modifié durablement notre environnement et notre vie quotidienne, tout en influençant les pratiques et recherches esthétiques des photographes. Elle est accompagnée d’un catalogue qui réunit plus de 700 reproductions d’œuvres, des citations d’artistes, une autre histoire du design et des textes de spécialistes.
Depuis le début du xxe siècle, l’automobile et son impact sur le paysage constituent un sujet de prédilection pour de nombreux photographes, influençant à la fois la forme et le contenu de leur travail.
Jacques Henri Lartigue, Germaine Krull, Robert Doisneau ou encore Brassaï comptent parmi les premiers photographes à capter le frisson nouveau de la vitesse automobile, le chaos du trafic parisien ou encore le spectacle des phares dans la nuit, témoignant d’une société en pleine mutation, à l’aube de la modernité. D’autres photographes de cette époque s’emparent de la promesse de liberté et de mobilité qu’offre l’automobile et s’élancent sur les routes pour parcourir le monde, à l’image des écrivains et photographes suisses Ella Maillart et Nicolas Bouvier (respectivement dans les années 1930 et 1950) qui traversent l’Asie à bord d’une automobile, un appareil photo à la main, documentant ces premiers road trips.
L’exposition Autophoto présente également un ensemble d’« auto portraits » réalisés entre le milieu du xxe siècle et aujourd’hui. Les photographies de Yasuhiro Ishimoto et de Langdon Clay, profils de voitures garées dans des rues désertes, plongent le visiteur dans des époques et des atmosphères différentes. Dans la série en noir et blanc de Yasuhiro Ishimoto réalisée à Chicago dans les années 1950, les formes galbées de voitures se détachent sur la neige qui a recouvert les rues, tandis que dans les photographies en couleur de Langdon Clay prises à New York dans les années 1970, des châssis cabossés et défraîchis reposent sous un éclairage nocturne d’une inquiétante étrangeté. D’autres œuvres comme la série de photographies vernaculaires de Sylvie Meunier et Patrick Tourneboeuf ou les joyeux portraits réalisés par les photographes africains Seydou Keïta et Sory Sanlé montrent de fiers propriétaires posant devant leurs voitures, soulignant ainsi le rôle de l’automobile comme emblème de la réussite sociale.
Nombreux sont les photographes à avoir exploré les possibilités techniques et esthétiques offertes par l’automobile, l’utilisant comme un outil ou comme un prolongement de leur appareil photo pour saisir le paysage environnant à travers les vitres ou son reflet dans les rétroviseurs.
La culture automobile, de son industrie et son influence sur l’environnement à son rôle dans l’histoire et la société, fascine également de nombreux photographes. Certains s’intéressent à la vie des usines automobiles, aux machines, aux chaînes de production et au travail des ouvriers, à l’image de Robert Doisneau et de sa série sur l’usine Renault de Boulogne-Billancourt des années 1930, et de Robert Frank qui a photographié l’usine Ford de Rouge River dans les années 1950. Portant un regard attentif sur les ouvriers des chaînes de montage, leurs photographies contrastent avec le travail de Stéphane Couturier, dont la série réalisée à l’usine Toyota de Valenciennes, distanciée et impersonnelle, reflète la nature de plus en plus déshumanisée de l’industrie contemporaine.
D’autres photographes révèlent l’importance du rôle joué par la voiture dans l’histoire et dans notre quotidien. La série d’Arwed Messmer, tirée des archives de la Stasi, dévoile ainsi les utilisations singulières qui en étaient faites pour fuir l’Allemagne de l’Est, tandis que celle de Fernando Gutiérrez est consacrée à la voiture symbolique de la dictature argentine dans les années 1970, la Ford Falcon. Suivant une approche sociologique, la projection immersive de Jacqueline Hassink s’intéresse pour sa part au statut et à l’utilisation des femmes dans les salons automobiles du monde entier. Dans sa série From A to B, Martin Parr, quant à lui, dresse un portrait des Britanniques au volant, révélant leurs rêves et leurs angoisses. Les œuvres de Rosângela Rennó, Óscar Monzón, Kurt Caviezel ou encore Bruce Davidson montrent, enfin, l’intimité qui se crée dans l’habitacle de l’automobile, qui devient alors une «extension» de la maison, un espace dans lequel on vit, on dort, on se dispute, on s’aime, on se marie.
Commissaires : Xavier Barral et Philippe Séclier ; Commissaire associée : Leanne Sacramonne ; Commissaire adjointe : Marie Perennes ; Scénographie : Constance Guisset.
Jusqu’au 24 septembre 2017
Fondation Cartier pour l’art contemporain
261, boulevard Raspail
75014 Paris
du mardi au dimanche de 11h à 20h (mardi jusqu’à 22h)
Photos in situ : Véronique Grange-Spahis