“Dis Papa, pourquoi est-ce que les gens construisent des murs ?” demande la petite Marie à son père embarrassé. Cette question, des milliers de Berlinois se la sont posée depuis la nuit du 12 au 13 août 1961. Aujourd’hui, le mur est tombé, mais bien d’autres murs continuent de séparer les hommes. Sandrine Gauvin a voulu donner la parole à ceux qui ont qui ont lutté toute leur vie contre le Mur de Berlin. En racontant l’histoire d’une famille allemande brutalement séparée mais qui n’a jamais cessé de lutter, la dramaturge prend part elle aussi au combat pour la liberté. Elle nous rappelle qu’il ne faut jamais oublier les drames de l’Histoire, qu’il faut toujours lutter pour ne pas se retrouver enfermés par le mur du silence.
La pièce débute dans les années 1980, le jour où Marie Stein fête ses 20 ans entourée de ses parents Günter et Marlène, ainsi que de leurs amis Axel et Lilie. Ayant grandi à Berlin Ouest, Marie perçoit le mur comme faisant partie du décor, il ne signifie pas grand chose pour elle. Pourtant, en découvrant dans son grenier une vieille correspondance entre son père et un mystérieux oncle prénommé Simon, la jeune fille comprend que ce Mur pourrait bel et bien avoir changé le cours de sa vie.
Séparés du jour au lendemain par la construction du mur, les frères Stein se sont écrit chaque semaine pendant plus de trois ans. Leurs lettres évoquent les innombrables plans échafaudés dans l’espoir de faire passer Simon de l’autre côté du mur. Ils étaient jeunes ; ils y croyaient.
Alors Marie ne comprends pas : pourquoi lui avoir caché l’existence de cet oncle ? Comment Simon a-t-il disparu ? Était-il parvenu à traverser le mur ? Est-ce le secret que pressentait la jeune fille en constatant la tristesse permanente de sa maman ? Dévorant les lettres une à une dans l’espoir de trouver des réponses, la jeune berlinoise voudrait que s’écroule enfin le mur de silence qui l’enferme depuis l’enfance.
Deux combats nous sont ainsi présentés de manière parallèle : dans les années 1960 les frères Stein parvinrent à conjurer la séparation engendrée par le Mur en s’écrivant des lettres, dans les années 1980 Marie Stein s’attaque au mur du silence en lisant ces mêmes lettres. La mise en scène codirigée par Sandrine Gauvin et Lucie Navarre fait très habilement alterner les deux époques, en s’appuyant sur les objets qui ont traversé le temps : les lettres des frères Stein, le bar qu’ils ont monté ensemble mais aussi le clown de Lili et bien sûr, l’inébranlable Mur de Berlin. Le travail des sons et lumières nous immerge totalement dans l’ambiance des sixties, quand la musique et la danse devinrent pour la jeunesse la seule opportunité d’affirmer sa liberté.
La troupe du Chat qui rêve nous offre dans cette pièce la performance de jeunes acteurs talentueux qui parviennent à rendre leurs personnages plutôt réalistes et surtout très attachants. Ensemble, ils incarnent parfaitement la fougue et la passion des jeunes berlinois qui refusèrent de sacrifier leur jeunesse au pied du Mur, ces jeunes qui donnèrent leur vie pour la liberté, ces jeunes qui respectaient un idéal : “Mieux vaut mourir libre que vivre en prison !”.
Savéria Costantini
(Photos : Antony Clément et Sandrine Gauvin)
Berlin, de l’autre côté du Mur
Texte de Sandrine Gauvin (inspiré d’un album de Daniel Balavoine)
Mise en scène : Sandrine Gauvin et Lucie Navarre
Avec : Mélia Lucchini, Adrien Deschamps, Henri Haubertin, Mehdi Fettah, Lucie Navarre et Manon Simier.
Costumes : Lucie Navarre
Création lumières : Thomas Cannariato
Scénographie : Cécile Kou
Du 23 janvier au 28 mars 2020
Les jeudis, vendredis et samedis à 21h30
A La Folie Théâtre
6 rue de la Folie-Méricourt
75011 Paris