Etre pierre
C’est au musée Zadkine, là même où l’artiste avait son atelier (de 1928 à 1967), là où il vivait avec son épouse, havre de paix à proximité du jardin du Luxembourg, qu’est présentée l’exposition « Être pierre ».
S’appuyant sur la très riche sculpture en pierre d’Ossip Zadkine (1890-1967), et à l’occasion du cinquantième anniversaire de sa mort, l’exposition engage une réflexion sur ce matériau de prédilection des artistes pour proposer une lecture transversale du lien intangible qui les unit au minéral depuis les origines.
Dans un contexte marqué par les préoccupations environnementales et un lien renouvelé de l’homme à son écosystème, ÊTRE PIERRE explore la part dynamique et vivante du règne minéral.
Pensé comme un récit et sans prétendre à l’exhaustivité, le projet mêle les générations et les mediums – sculptures, photographies, dessins, vidéos, films, intégrant également des objets archéologiques et des productions d’Arts premiers. À travers près de cent trente pièces et organisé en trois parties, il réunit plusieurs ensembles jalonnant la collection du musée Zadkine.
Origines :
Une première séquence consacrée aux Origines évoque celles à la fois cosmiques et géologiques de la terre, et les sources de la création. L’exposition s’ouvre sur un ensemble d’objets votifs et de mobilier funéraire provenant de cultures paléolithiques – Vénus en calcite ambrée d’environ 25 mille ans avant notre ère, mobilier magdalénien -, néolithiques – statue-menhir du Rouergue (3ème millénaire avant notre ère), jades d’Extrême–Orient…, ainsi que des objets protecteurs ou intercesseurs d’Océanie et d’Afrique comme les pierres à magie en serpentine, effigies d’ancêtres et Ti’i de Polynésie française. Face à ces objets, le visiteur découvre des œuvres des grands acteurs de la modernité – Brancusi, Brassaï, Picasso (Tête en pierre, 1907) ou Zadkine – qui se sont appuyés sur les arts dits « primitifs » et les expressions extra-occidentales pour renverser les fondamentaux de l’académisme.
Métamorphismes et Métamorphoses :
Le second volet Métamorphismes et métamorphoses s’attache aux processus perpétuels de transformation du minéral à l’échelle géologique, aux passages entre les règnes, aux propriétés intrinsèques de la matière et à ses temporalités qui inspirent aux artistes comme Giovanni Anselmo, avec Trecento milioni di anni (1969), Katie Paterson et Fossil Necklace (2013), ou le duo Fabien Giraud & Raphaël Siboni avec La Mesure minérale (2012), des problématiques et procédés plastiques inédits. Le parcours se poursuit par l’interprétation des formes naturelles de la pierre qui évoquent des silhouettes anthropomorphiques, animales ou des lignes paysagères et sont sources de création artistique – Hans Hartung, Tête d’homme à quatre trous, 1954.
Intimité minérale :
Enfin, l’atelier dévoile la dernière section centrée sur l’Intimité minérale qui montre la relation intime et sensible de l’humain à cette matière primordiale (La vulve, onyx (Brésil), collection Roger Caillois). C’est le corps, à travers une série de gestes élémentaires – et sans contrainte – par le toucher, la collecte et l’appropriation par détournement et glissement, qui devient l’enjeu de l’expérience perceptive. Ce sont des œuvres de Rodin (Jeux de nymphes, vers 1900-10), de Picasso ou de Brassaï avec ses silhouettes de femme et d’oiseau en galet des années soixante que découvre alors le visiteur. En marge d’un répertoire attestant de relations apaisées, quelques œuvres incarnent une menace, celle de l’homme pour son milieu naturel (Alterscapes Playground, 2005-2015, d’Otobong Nkanga). L’exposition s’achève par le film de Nicholas Mangan, A World Undone (2012), qui propose une immersion au cœur de cristaux de zircon, les plus vieux minéraux connus sur terre. Filmées dans un temps étiré, les poussières de roche se convertissent en poussières d’étoiles, plongeant le visiteur dans l’expérience d’un cycle qui le ramène aux origines du monde.
Les artistes de l’exposition :
• Gilles Aillaud • Dove Allouche • Giovanni Anselmo • Hans Arp • Katinka Bock • Constantin Brancusi • Brassaï • Claude Cahun • Marc Couturier • Anne Deguelle • Eugène Dodeigne • Jimmie Durham • Henri Gaudier- Brzeska • Paul-Armand Gette • Fabien Giraud et Raphaël Siboni • Ilana Halperin • Hans Hartung • Nicholas Mangan • Otobong Nkanga • Katie Paterson • Giuseppe Penone • Pratchaya PhintHong • Pablo Picasso • Marko Pogacnik • Évariste Richer • Auguste Rodin • Jean-Michel Sanejouand • Oscar Santillan • Robert Smithson • Akio Suzuki • Ossip Zadkine
Jusqu’au 11 février 2018
Musée Zadkine, 100 bis rue d’Assas 75006 Paris
du mardi au dimanche de 10h à 18h
Photos in situ : Véronique Grange-Spahis