La Folie en tête, aux racines de l’art brut
D’Eugène à Victor, de Victor à Adèle, de Hugo en Hugo, de Guernesey à la Barbade puis Saint-Mandé et Suresnes, de Charenton chez Esquirol au Royal Hospital de Dumfries en Ecosse, du service du docteur Auguste Marie de Villejuif à la collection Morgenthaler, de Prinzhorn à Dubuffet, de Lausanne à Villeneuve d’Ascq, elle court, elle court la Folie.
Elle court le siècle. Elle le traverse. Elle le fait.
Folie destructrice. Folie constructive, régénératrice des Fous-Artistes et des Artistes-Fous.
Folie dont les potentialités, notamment créatives sont, dès la première moitié du 19ème siècle, reconnues par des médecins aliénistes comme Pinel qui obtiendra que l’on délivre de leurs fers ses patients ou, comme en Écosse en 1838, qu’on libère la force créative des patients internés en leur offrant les moyens de s’exprimer.
L’Exposition de la Maison de Victor Hugo chemine d’un site asilaire à l’autre et montre, bien avant que naisse la psychanalyse, la prise de conscience d’un nombre croissant de médecins s’intéressant aux complexités de la psyché et à ce qu’ils peuvent lire dans les dessins de leurs patients.
Double Vision :
Thérapeutes, ils scrutent le comportement de leurs malades mentaux tandis qu’ils créent.
Collectionneurs, ils accumulent les œuvres de leurs fous-artistes par goût personnel pour la création mais aussi pour proposer à leurs pairs et au public une lecture différente et surtout plus bienveillante de ce qu’on appelle la folie.
Ces hommes nous montrent que leurs malades déclarés fous ne sont pas fous tout le temps 24h sur 24, pas toujours de la même façon, que leurs crises de folie comme leurs pulsions créatives peuvent être d’intensités différentes et qu’enfin la frontière entre ceux qui seraient fous et ceux qui ne le seraient pas est plus que poreuse.
En témoigne la dernière section de l’exposition consacrée à Prinzhorn cet esthète qui fera de l’art des malades mentaux un élément majeur de l’art contemporain et que la folie dévastatrice – bien réelle celle-là – des Nazis, dénoncera et condamnera en tant qu’art dégénéré. Le programme T4 enverra 70.000 à 80.000 internés pour des raisons diverses en chambres à gaz.
L’une des questions majeures que pose l’exposition de la Place des Vosges est : Qui étaient les fous ? Où étaient les fous ? De quel côté de la soit disant frontière ? Et aujourd’hui, qui sont-ils, où sont-ils ?
Différente de toutes les expos vues jusqu’ici sur l’Art Brut, LA Folie en tête donne du grain à moudre très au-delà de son univers esthétique.
Jusqu’au 18 mars 2018
Maison de Victor Hugo
6 place des Vosges 75004 Paris
Pierre Vauconsant