Hokusai & Co à l’Hôtel de Caumont

Les grands maîtres du Japon, Hokusai, Hiroshige, Utamaro, investissent Aix et offrent au public pour quelques jours encore l’essence de leur art.

L’Hôtel de Caumont, centre d’art, présente les coutumes et la culture japonaise de l’époque Edo (1600-1867), à travers plus de 150 estampes ukiyo-e et autres objets remarquables dévoilés au public français pour la toute première fois. La plupart sont issus de l’étonnante collection de Georges Leskowicz.

Ayant d’abord hérité de la passion de bibliophile de son père, il acquiert à son tour des romans illustrés et des recueils de poèmes japonais. Leur lecture éveille son intérêt pour l’art de ce pays, accru d’abord par la visite des riches collections parisiennes d’art d’Extrême Orient, puis par de nombreux voyages au Japon. Sur les conseils d’importants experts japonais, il s’initie à l’estampe ukiyo-e et constitue un ensemble absolument unique au monde rivalisant avec les musées japonais les plus prestigieux.

Composée essentiellement de premiers tirages et es éditions les plus anciennes, la collection Leskowicz compte aujourd’hui 1800 estampes des plus grands maîtres d’ukiyo-e, dont 165 surimono, mais aussi les dessins préparatoires, les croquis et les dessins à l’encre et quelques outils de travail ayant servi à la réalisation des estampes.

En 2015, Leskowicz a créé à Varsovie la Fondation éponyme pour faire connaître au grand public la richesse culturelle du Japon.

L’époque Edo (nom ancien pour Tokyo) marque une période de paix et de prospérité au Japon, mais aussi d’isolement du pays et de restrictions sévères régissant la vie et les mœurs de ses habitants. Une nouvelle bourgeoisie urbaine voit le jour et avec elle, le mouvement artistique ukiyo-e, dont les estampes gravées sur bois sont l’expression la plus accomplie.

Dans la philosophie bouddhiste, ukiyo signifiait « triste monde » ou « monde des peines d’ici-bas ». Vers 1600, dans son ouvrage Ukiyo monogatari, l’écrivain Asai Ryoi introduit une nouvelle acception du terme. Correspondant à un idéogramme différent, il désigne désormais un « monde flottant », impermanent et ondoyant que rehaussent les couleurs fascinantes des estampes d’Utamaro, Hokusai, Hiroshige et bien d’autres.

Dans son livre, Asai Ryo fait l’éloge des plaisirs éphémères de la vie. Ainsi le concept hédoniste devient le principe fondateur de ce mouvement artistique. La réalisation d’une estampe demande la participation de divers métiers. A la demande d’un éditeur, l’artiste donne le dessin précis de la composition. Le graveur taille alors le bois et pratique des encoches qui serviront de repères lors de l’impression. Cette planche, encrée, est tirée en autant d’exemplaires que de couleurs prévues. Plusieurs formats de papier sont utilisés et le tirage peut atteindre des centaines voire des milliers d’exemplaires.

L’art de l’ukiyo-e a notamment marqué le dessin animé japonais et la bande dessinée occidentale.

L’exposition invite à découvrir un univers qui, depuis la fin du XIXème siècle, a fasciné tant d’amateurs et d’artistes européens. Un ensemble exceptionnel de surimono, estampes de petit format associant des compositions figuratives à des poésies sous forme calligraphique, réalisées sur du papier de luxe à l’aide de techniques sophistiquées est proposé au public. Destinées à des cercles restreints et tirées en petit nombre d’exemplaires, ces estampes représentent la quintessence du raffinement japonais à l’époque Edo.

Ces œuvres illustrent tout l’éventail de thèmes et images caractéristiques de la vie et de la culture de l’ancien Japon que l’exposition va ainsi parcourir : les motifs naturels et les scènes de vie quotidienne, la représentation des acteurs du théâtre kabuki et des beautés de Yoshiwara, les natures mortes liées aux célébrations du nouvel an, les héros et les légendes traditionnelles.

Focus sur les scènes érotiques : Ce sujet dans l’art japonais est appelé shunga « images de printemps » ou makura-e « images sous l’oreiller ». Les premières compositions de ce type datent de l’époque NARA (710-794), mais le genre érotique trouve un essor particulier à l’époque Edo, quand il cesse d’être l’apanage de l’aristocratie et est destiné à toutes les classes sociales. Les artistes les plus éminents du mouvement ukiyo-e se sont essayés à la gravure érotique. Certaines poses et mises en scènes donnent à ces compositions un caractère extravagant et humoristique qui transcende la pure pornographie. Souvent un enfant épiant la scène derrière un rideau ou une porte coulissante interpelle notre position de spectateurs-voyeurs.

Le parcours de l’exposition s’achève en apothéose poétique dans l’immersion, pour le visiteur, d’une estampe animée. Nous devenons à notre tour sujet de l’œuvre dans un onirique saut spatio-temporel. Magique.

Photos et texte : Valmigot

du 8 novembre 2019 au 22 mars 2020

Hôtel de Caumont

3, rue Joseph Cabassol

13100 Aix-en-Provence

tel : 04 42 20 70 01

Ouvert tous les jours d’octobre à avril : 10h – 18h – Dernière entrée 30 mn avant la fermeture

https://www.caumont-centredart.com/fr/preparer-sa-visite/horaires-et-acces

Billetterie en ligne :

https://caumont.tickeasy.com/fr-FR/accueil