IL VARCO

Pour leur nouvelle collaboration, Federico Ferrone et Michele Manzolini, s’associant à Wu Ming 2, nous proposent, avec Il Varco, un voyage dans l’armée fasciste des années 40, à travers les yeux d’un soldat italien partant pour le front russe, tourmenté par ce nouveau départ. Portés par la voix d’Emidio Clementi, romancier et voix de Massimo Volume, nous vivons ce voyage authentique à partir de vidéos d’archives amateurs, issues d’une autre époque.

Notre soldat italien a déjà connu les conflits armés en Ethiopie. Malgré la victoire qui semble promise aux alliés des allemands, il ne partage pas l’enthousiasme de ses jeunes compatriotes. Dans ce train les menant vers l’Ukraine hivernale, ce à quoi songe le narrateur, c’est le confort de son domicile. La nostalgie envahit alors ces images à travers les steppes.

Le duo de réalisateurs est habitué à travailler à partir d’archives pour générer de la fiction. Comme pour leur précédent film, Il Treno va a Mosca, racontant l’utopie communiste dans l’Italie des années cinquante et soixante, ce sont les archives qui vont créer un récit. Au sein d’Il Varco, ils ont souhaité réaliser un film à travers le regard de l’homme fasciste, posté au cœur de ces événements historiques, du régime fasciste jusqu’à la défaite de la Seconde guerre mondiale. Ils se sont alors particulièrement intéressés à la « campagne de Russie » menée par les italiens, un plan d’invasion de l’URSS entre 1941 et 1943, particulièrement désastreux et meurtrier, sonnant le début de la fin du régime.

La réalisation du film s’appuie sur deux fonds d’archives majeurs, des bobines 16mm filmées par deux officiers de l’armée italienne et cinéastes amateurs, Adolfo Franzini et Enrico Chierici. De ces campagnes inhumaines, ils ont rapporté des images de vie inédites, à la fois des scènes du quotidiens, que de nombreuses rencontres avec des civils. L’histoire personnelle du soldat qui nous est racontée, est tirée de plusieurs journaux intimes de l’époque. Le point de vue fictif incarné, est celui d’un soldat italien né de mère russe, capable de comprendre la langue des territoires occupés par les armées italienne et allemande.

À travers les doutes de ce fidèle serviteur de l’armée, le thème de la désertion est suggéré. À partir des images d’archives, une dimension affective est créée. De même, les journaux intimes utilisés ont été méticuleusement sélectionnés avec le concours de l’écrivain Wu Ming 2, auteur de romans historiques. L’harmonisation de ces différents éléments, nous permet de nous projeter dans cette nostalgie du soldat, avec son amertume et ses désillusions.

Le film nous renvoie inévitablement à des constatations contemporaines, les lieux de conflits de l’époque étant toujours aujourd’hui des zones de combat, dans la région de Donetsk, dans le Donbass notamment. Des images contemporaines viennent agrémenter les vidéos d’archives, ouvrant une brèche vers un futur que notre soldat ne verra pas, conséquence de cette guerre menée, qui lui révèle l’absurdité de l’opération militaire à laquelle il participe, et au régime fasciste dans son entièreté.

Julie Goy

IL VARCO

De Federico Ferrone, Michele Manzolini et Wu Ming 2

Italie – 2019 –

70 minutes

Produit par Claudio Giapponesi ; Une production Kiné en association avec Istituto Luce cinecittà

Distribution : NORTE DISTRIBITION

Au cinéma le 20 janvier 2021