2016 marque le cinquantenaire de la mort de Jean Lurçat (1892-1966).
Depuis mai, le Mobilier national – en partenariat avec la Fondation Jean et Simone Lurçat et l’Académie des beaux-arts – lui rend hommage avec cette première organisée à Paris depuis celle de 1958 au Musée national d’art moderne !
Poète et illustrateur inspiré, créateur dans le domaine des arts décoratifs, l’artiste côtoie les grands poètes de son temps tels que Rainer Maria Rilke, Guillaume Apollinaire, Max Jacob, Louis Aragon, Paul Eluard, Pierre Seghers… La tapisserie Liberté, tissée durant l’Occupation, illustre de manière emblématique la vision engagée que Lurçat a de sa production artistique. Il y manie avec habileté métaphores et figures imaginaires pour suggérer les malheurs de la Guerre, les menaces qui pèsent sur le monde mais surtout l’espoir porté par la Résistance et la création artistique. Son engagement en faveur de la paix et de l’entente universelle véhicule dès lors une image de la France en plein renouveau.
Dès la première salle, nous sommes plongés dans l’univers de l’artiste par une évocation de la façade de sa maison-atelier construite à Paris par son frère, l’architecte André Lurçat. La porte franchie, c’est dans l’atelier du peintre que nous convie Jean-Michel Wilmotte (a qui a été confié la scénographie de l’exposition).
Si le grand public connaît surtout de Jean Lurçat ses tapisseries, l’artiste a commencé sa carrière comme peintre, et a revendiqué ce titre tout au long de son existence, à l’image de certains de ses contemporains qui ont pourtant délaissé peu à peu la peinture, comme l’architecte Le Corbusier.
Au travers d’une quarantaine d’œuvres, il nous est offert de découvrir la production d’un « peintre des années 30 » qui connut un succès certain auprès des grands collectionneurs et des galeries les plus en vue de son temps en France et à l’étranger (notamment les galeries Jeanne Bucher et Bernheim-Jeune)
Lurçat a exploré plusieurs voies dans ses peintures : ami des néo-cubistes, des surréalistes et des artistes et écrivains révolutionnaires, il a également été marqué par l’exposition des peintres de la Réalité tenue à l’Orangerie en 1934.
De front avec cette activité de peintre, Jean Lurçat manifeste un fort intérêt pour les arts décoratifs et notamment les arts textiles. Très tôt il réalise des cartons destinés à être brodés par sa mère : ses premiers canevas. Suite à la rencontre ou à la demande de grands décorateurs et architectes d’intérieur, parmi lesquels son frère André ou Pierre Chareau, il conçoit des projets et cartons de tapis, tapisseries de siège ainsi que ses premières tapisseries.
« La tapisserie, c’est principalement chose d’architecture… C’est un objet et dans son essence un tissu, dont le devoir est d’habiller un pan de bâtiment à qui, sans cet ornement, eût sans doute manqué un je ne sais quoi de charnu, de passionnel : de charme pour tout dire. » Jean Lurçat, Le Travail dans la tapisserie du Moyen Age, Edit. Pierre Cailler, Genève, 1947.
Touché par la crise de 1929 et ses conséquences, il interroge le sens de la peinture d’un point de vue philosophique et social et décide brutalement d’abandonner ce medium, à l’image d’autres peintres de sa génération. Il s’oriente alors vers l’art mural, un art tourné vers la société qui trouve, selon lui, sa plus haute expression dans la tapisserie.
Exposition jusqu’au 18 septembre 2016
Galerie des Gobelins
du mardi au dimanche, de 11h à 18 h
42, avenue des Gobelins 75013 Paris