Le musée Cernuschi présente jusqu’au 30 juillet 2023 une exposition dédiée à Kim Tschang-Yeul (1929-2021), figure majeure de l’art coréen contemporain et de la scène artistique internationale. Ce peintre est aujourd’hui mondialement connu pour ses représentations de gouttes d’eau en trompe-l’œil.
L’exposition La goutte et le trait est plus particulièrement dédiée aux caractères chinois qui sont associés à ce motif de manière récurrente dans l’œuvre du maître.
Kim Tschang-Yeul contribue à l’implantation en Coréen d’expressions abstraites en phase avec les principaux courants de l’art occidental d’après-guerre. C’est donc naturellement qu’il poursuit sa carrière et sa formation à New-York entre 1965 et 1969, puis s’installe à Paris, avant de retourner en Corée en 2013. C’est en effet à Paris qu’il développe le vocabulaire pour lequel il est aujourd’hui mondialement connu : la représentation en trompe-l’œil de gouttes d’eau.
Dans les œuvres de l’artiste de la fin des années 60, marquées par l’art optique, apparaissent des formes circulaires. On y observe un dégradé vaporeux de noir sur des surfaces blanches courbes semble parfois suggérer la représentation de fluides visqueux. Cette évocation devient explicite au début des années 1970, lorsque ces liquides deviennent le véritable sujet des toiles et paraissent s’échapper d’ouvertures fictives dans le tableau.
C’est en 1972, que ce motif se transforme en une goutte d’eau en pleine chute, traitée dans un style hyperréaliste.
Les représentations obsessionnelles de gouttes d’eau sont d’autant plus mystérieuses que l’artiste reste longtemps mutique à leur sujet.
Elles sont souvent accompagnées par le tracé plus ou moins discret de caractères chinois. Ceux-ci permettent de complexifier les interactions entre le motif principal de Kim Tschang-Yeul et le fond sur lequel il se déploie, tout en autorisant de multiples variations destinées à animer et diversifier les œuvres produites, en fonction de leur disposition, leur nombre, leur forme et la figuration d’éventuelles traces d’humidité.
Lorsqu’il intègre des sinogrammes dans ses compositions, Kim Tschang-Yeul emploie le plus souvent des formes de caractères issues de la typographie. Ce choix, qui nécessite une mise en œuvre longue, permet de conserver une facture impersonnelle et donc de sauvegarder partiellement les apparences du trompe-l’œil.
L’utilisation des sinogrammes n’est cependant pas uniquement un artifice formel. Sa présence ancre les œuvres dans un contexte culturel asiatique de manière explicite.
La grande cohérence du travail de Kim Tschang-Yeul, qui emploie les mêmes motifs sur près de cinq décennies, est un élément essentiel et signifiant de son œuvre.
Dès les années 1970, il travaille en parallèle de ses toiles sur des papiers blancs ou colorés et sur des feuilles de journaux. Il commence également à peindre sur du sable, du bois, de la pâte à papier et de la toile de jute. Ces nombreuses expérimentations l’amènent enfin à produire, à partir des années 1990, des sculptures et des installations dans lesquelles les gouttes d’eau sont matérialisées par des sphères en verre.
Les gouttes d’eau, dont la répétition obsessionnelle est pour Kim Tschang-Yeul une tentative de « dissoudre toutes les souffrances en neutralisant [s]on ego », ont accaparé l’attention du public, par leur omniprésence et leur hyperréalisme hypnotisant.
Olivia Bellin-Zéboulon
Du 14 avril au 30 juillet 2023
Musée Cernuschi, Musée des Arts de l’Asie de la ville de Paris, 7 avenue Vélasquez, 75008 Paris
Du mardi au dimanche de 10h à 18h, sauf certains jours fériés (fermeture des caisses à 17h30) – entrée libre