L’Afrique des routes

Transafricaines,
Transafricaines, les routes, les cultures, les religions, les civilisations.
Transafricains, les peuples et les marchés.

 

– Routes encore intracées des temps antéhistoriques où s’engagèrent, au fond des rifts profonds et des vallées sans fin, les premiers hominidés sans doute apeurés mais sacrément gonflés.
– Routes, comme eut dit Vialatte remontant à la plus haute antiquité et dont Hérodote déjà révélait au monde grec, l’existence, l’importance et la  pénétration profonde au cœur du continent.
– Routes des Garamantes, exilés climatiques avant la lettre, remontant vers le nord, vers la Cyrénaïque et l’Égypte encore verte, fuyant devant le sable du désert qui menaçait leur pays, fuyant un   changement profond et durable du climat auquel les hommes de ce temps, trop peu nombreux ne pouvaient avoir eu aucune part.

Piste oubliée chère à Frison Roche où les Garamantes ont laissé les  traces pariétales de leur art de vivre et de leur avancée technologique en  gravant et en peignant l’image d’un char hypotracté semblable à celui des pharaons. ( belle reproduction dans l’expo )
Migrants oubliés sur une route disparue qui apporteront à l’Égypte leur  science de l’embaumement qui permettra aux Égyptiens de résister à  l’oubli.

– Route du fer jamais coupée, routes du cuivre du haut bassin du Congo,  routes de l’or du Ghana, routes des premières métallurgies, routes du  bronze avec, à la croisée des chemins, la rencontre et le dialogue des  technologies comme par exemple le moulage à la cire perdue qui n’était  pas que grec.
– Routes descendant à la mer depuis les hauts plateaux d’Abyssinie où   cheminent les caravanes qui depuis les mines du Roi Salomon  transportent dans les ports de la côte du mythique royaume d’Ophyr,  diamants et pierres précieuses.
– Routes du sel encore en activité de nos jours depuis les salines de  Bilma ou celles de l’Adrar des Ifoghas en relation commerciale constante avec les oasis les plus au sud du Maghreb comme celles des Mozabites venus du Yémen, exilés eux aussi. Routes du sel de l’Éthiopie,  de la Mauritanie ou d’ailleurs et partout, en tout temps, route des péages et des fiscalités. Routes de l’enrichissement des royaumes et des chefferies locales.
– Routes des prosélytismes venus de la rive nord de la Méditerranée et du Proche Orient dont l’influence sera relayée et démultipliée, dès le 11ème siècle pour l’Islam et le 16 ème pour le christianisme, par l’installation des comptoirs tout au long des côtes.
– Routes des esclaves du nord au sud, d’est en ouest, suivant le littoral   ou s’enfonçant au cœur des ténèbres. Routes tenues par des marchands  d’esclaves portugais, français, anglais, arabes, turcs ottomans, chinois et indiens dont les marchés sont diligemment approvisionnés en bois d’ébène par les rois locaux et les vendettas récurrentes entre clans et tribus.
– Routes des explorateurs du 19ème siècle. Routes découvertes ou simplement redécouvertes comme celle de la mystérieuse Tombouctou que René Caillé croyait disparue alors que la cité était un centre intellectuel florissant. Route Dakar-Nairobi ouverte par Stanley et Livingstone. Routes ouvertes pacifiquement par Savorgnan de Brazza ou sabre au poing par Faidherbe ou Chaligny.
– Routes maritimes qui, dès la possibilité d’une navigation hauturière, vont multiplier les ports d’embarquement des esclaves et  par la pratique du commerce triangulaire faire croître les flux vers l’extérieur du continent comme vers l’intérieur.
– Rencontres de L’Art Nègre et des créateurs européens du 20ème siècle <C’est ce que donnent à voir et à penser, c’est ce que suggèrent, montrent et démontrent  les cartes animées, la statuaire et les objets de la réserve   inépuisable du musée convoqués  pour l’exposition L’Afrique des routes au Musée du Quai Branly – Jacques Chirac –

 

Ceux qui connaissent et qui aiment ce continent tel qu’il est aujourd’hui regretteront sans doute qu’aucune place n’ait été faite aux routes actuelles, à leurs taxis-brousse peinturlurés qui ne partent qu’en surcharge de trois ou quatre gigantesques matrones, à leurs stations services sans service et parfois-même sans essence, à leurs revêtements en banko où les camions s’enlisent jusqu’aux portières, à leurs bus que l’on répare pendant des heures, sous un soleil impitoyable sans que s’impatientent leurs passagers.

La faute sans doute au principe un peu trop autarcique qui a du présidé à l’élaboration de cette expo … qu’ il faut aller voir.

Jusqu’au 12 novembre 2017

Musée du quai Branly – Jacques Chirac
37 Quai Branly, 75007 Paris

Pierre Vauconsant