Le crépuscule des nomades de la mer : ode aux Badjos

Le 29 mai a été projeté à la Scam (Société civile des auteurs multimedia) le film documentaire de l’anthropologue-ethnologue François-Robert Zacot, « Nos enfants préfèrent toucher l’arc-en-ciel ». Trois fois primé lors de festivals internationaux, le film nous amène à la rencontre d’un peuple primitif et mystérieux : les Badjos d’Indonésie.

Il y a plus de mille ans, une vague géante aurait entraîné les Badjos pendant sept jours et sept nuits en pleine mer, sans boire ni manger. C’est ainsi que commença pour eux une vie d’errance en mer qu’ils poursuivent encore de nos jours. Ce tsunami originel, qui rappelle le mythe universel de l’Arche de Noé, est fondamental pour comprendre la culture du peuple badjo….

Des marins sans port d’ancrage

Éparpillés sur des milliers de kilomètres le long de la côte d’Indonésie, des Philippines et de Malaisie, leur mode de vie est extraordinaire : les Badjos vivent sur les pirogues depuis toujours. Tous les actes du quotidien s’y déroulent : repas, sommeil, accouchement, cuisine.

Pendant près d’une heure, c’est un voyage au cœur d’un peuple marin énigmatique que nous propose François-Robert Zacot. Il nous entraîne au plus près des Badjos, dans leur terre… la mer ! Leur mode de vie est totalement dépendant de l’eau … Leur connaissance est entièrement aquatique, toute leur identité est fonction de cet élément, non seulement du fait de leur habitat, de leur économie, mais aussi des liens rituels et spirituels qui les unissent à celui-ci.

Sous forme de récit testimonial, celui d’une mère et de son enfant, le film décrit les coutumes de ce peuple confronté à une sédentarisation et pose les problèmes de sa destinée. Le texte est poétique, émouvant… Ces errants de la mer se sont accrochés à leur condition nomade, avec la volonté de se déplacer comme bon leur semble sur leur maison-pirogue, en suivant les bancs de poissons quand ils le jugent nécessaire. Une vie sans se préoccuper du lendemain ….

Mais, les Badjos n’ont plus de place ou ne savent plus où en trouver pour vivre. Alors ils s’installent dans des villages lacustres,  habitant des maisons sur pilotis loin des rivages, subissant une inexorable sédentarisation.

La parole comme mémoire

En cohérence avec la tradition orale des badjos, le choix narratif nous immerge dans leur intimité. Comme des secrets livrés au creux de notre oreille, la mère et l’enfant nous confient leurs souvenirs… Ils nous transmettent avec beaucoup de sensibilité et de pudeur la nostalgie de leurs traditions ancestrales et de leurs savoirs traditionnels, leurs craintes, leurs espoirs, leurs vies.

En nous transmettant leurs mémoires, nous devenons un maillon responsable de l’histoire des badjos. Comment alors ne pas s’interroger : quel avenir pour les peuples minoritaires et notamment les nomades marins d’Asie du Sud-Est ? Comment ne pas oublier ? Comment s’assurer que l’arc-en-ciel demeure pour les badjos ?


Sociologue-ethnologue, François-Robert Zacot mène des recherches ethnographiques sur l’Asie du Sud-Est depuis 1976, plus particulièrement en Indonésie. Il a effectué de nombreuses missions ethnographiques pour des organismes de recherche, l’Université, le ministère des Affaires étrangères, l’Unesco. Il a réalisé et produit des films documentaires, dont Nos enfants préfèrent toucher l’arc-en-ciel. II enseigne actuellement l’ethnologie et poursuit une activité de consultant ethnologue et de réalisateur.

François-Robert Zacot est l’auteur de  plusieurs ouvrages dont :

Peuple nomade de la mer, Editions Pocket

Un autre regard sur le monde, L’Occident à l’épreuve de la société badjo, Editions Audibert Louis

Valérie Baudat