Dans Le Paradoxe des Jumeaux, Jean Louis Bauer et Elisabeth Bouchaud se tournent vers la figure iconique de Marie Curie, physicienne de renommée mondiale dont l’importance a été parfois occultée par celle de son mari Pierre Curie, lui aussi physicien.
Le défi est de taille puisqu’il s’agit ici de représenter à travers le médium théâtral ce qui s’y prête le moins, à savoir, une théorie scientifique. En effet, de nombreuses scènes évoquent non seulement la radioactivité à travers le travail des Curie mais aussi, la théorie de Paul Langevin sur la relativité. Cependant, ces propos scientifiques qui pourraient effrayer le public d’un théâtre, sont ici rendus accessibles grâce à des analogies telles que celle des jumeaux.
Cependant, la pièce ne se borne pas à un simple tableau des travaux scientifiques, somme toute déjà connus, du couple Curie ; elle brosse surtout le portrait d’une femme tiraillée entre sa passion pour la chimie et sa vie sentimentale. Jean Louis Bauer et Elisabeth Bouchaud dévoilent un aspect moins connu du personnage de Marie Curie, la femme amoureuse, la femme malade, la femme incomprise…
Le destin tragique de cette savante, scandé par le glas qui se fait entendre à plusieurs reprises, vient illustrer une dénonciation implicite du conventionnalisme inhérent à cette société du XXème siècle. Avec ses accents féministes, la pièce permet l’humanisation poignante de cette grande figure de la science qu’est Marie Curie.
La mise en scène est efficace et authentique, elle se base sur un naturalisme du décor et des costumes. Finies les mises en scènes minimalistes ! Ici Bernadette Le Saché dessine l’intérieur du laboratoire de Marie avec force éprouvettes, béchers et fioles, tout en ayant garde de ne pas étouffer le texte lui même qui en ressort vivifié.
Finalement Le Paradoxe des Jumeaux, tout en mettant au placard la Marie Curie-stéréotype, crée un parallèle subtil entre science et vie affective. La notion de chimie de l’impondérable s’enrichit d’un sens nouveau : il ne s’agit pas seulement de parler d’éléments chimiques mais aussi d’étudier les sentiments humains et c’est ce que permet ici la figure dramatique de Marie Curie.
On retiendra cette phrase qui en quelques mots résume la réflexion de toute la pièce : « La vie est un sacrifice nécessaire, seule compte la science »
Delphine Gindre
Le Paradoxe des Jumeaux
Auteurs : Jean Louis Bauer et Élisabeth Bouchaud
Mise en scène : Bernadette Le Saché
Avec : Sabine Haudepin, Elisabeth Bouchaud et Karim Kadjar
Durée : 1h20
Jusqu’au dimanche 3 mars 2019
du mercredi au samedi à 20h45 et les dimanches à 15h
Supplémentaires les jeudis 31 janvier et 21 février à 14h30
Théâtre de la Reine Blanche
2 bis, Passage Ruelle,
75018 Paris