Les vies rêvées de la baronne d’Oettingen

« La baronne d’Oettingen que ma famille n’aimait pas avait fait trois portraits de Dimitri Snégaroff. Mon aïeul les avait conservés dans son bureau, tout près de l’autoportrait de la baronne, tout près d’un manuscrit anonyme, tout près de lui. Leurs visages dormaient ensemble dans un tiroir qui n’était pas destiné à être ouvert par une main étrangère. Sauf que je l’ai ouvert, et s’en est échappée cette histoire », précise Thomas Snégaroff, journaliste et historien qui retrace au fil d’une enquête littéraire, et habité par la légende de son grand père, célèbre imprimeur d’art et ami d’Hélène, le destin de cette femme mystérieuse, morte dans l’anonymat et la pauvreté. Après avoir fait de sa vie un roman à multiples facettes où l’avenir paraît sans limite, comme l’argent qui régulièrement arrive de Russie, lui permet de vivre grand train et d’aider les artistes dans le besoin.

Qui était Hélène d’Oettingen, née Elena Miontchinska en Ukraine en 1887, avant de devenir l’une des grandes figures de la Belle Epoque ? Peintre, poétesse, romancière, cette femme passionnée et avant-gardiste fut à la fois muse et mécène, empruntant autant de pseudonymes que de vies. « Que la vie est grande pour ceux qui savent s’en inventer plusieurs ». Mais ce besoin d’être au centre du monde ne cache-t-il pas un mal être et une fuite en avant ? Comme de séduire tous les amants qu’elle désire ?« Je sens que toute ma vie dépend de savoir si tu m’aimes ? »

La couverture de ce roman est ornée d’un portrait d’Hélène par Modigliani. Et c’est toute la bohème fiévreuse de Montparnasse qui éclaire ce roman, celle de Modigliani, d’Apollinaire, du Douanier Rousseau ou de Picasso. « Tout le monde vit là. Là vit le monde. Les artistes qui comptent, et les autres, quittent Montmartre pour Montparnasse. Hélène aussi quittera sa parisienne province pour le centre du monde. La géographie lui portera chance, elle le sait » (p.126)

Christian Duteil

Les vies rêvées de la baronne d’Oettingen de Thomas Snégaroff

Editions Albin Michel – en librairie le 4 janvier 2024 – 256 pages – 19, 90 €