« L’histoire d’une femme » : ou l’histoire d’un racisme ordinaire

« L’histoire d’une femme » : ou l’histoire d’un racisme ordinaire

Le machisme, la misogynie, le sexisme… petites choses charmantes parmi tant d’autres qui empoisonnent la vie des femmes. On en parle ? Pas tant que cela, pas aussi souvent qu’il le faudrait, pas de la manière dont on le devrait. Nuls saints en République de Phallocratie, ou si peu que leurs voix peinent à percer le rire gras et vicelard du troupeau de bœufs qui fait écran. Vous trouvez mon propos mal venu, excessif, dépassé ? C’est bien le problème. Ces petites choses charmantes restent, collent, demeurent, s’accrochent aux basques de chaque femme, je dis bien chaque femme mais on n’y prête guère attention. Et pourtant… au bureau, en boîte de nuit, dans la rue, devant la machine à laver les chaussettes de monsieur… mille cadres où la gente féminine subit moqueries, paroles désobligeantes, brimades, humiliations et autres mains au cul. Un racisme ordinaire que la société toute entière fait mine d’ignorer jusqu’au plus haut sommet du pouvoir. Faut-il rappeler les affaires récentes, David Hamilton et Denis Baupin ?

Ne croyons pas que la médiatisation de quelques cas pris isolément résolve le problème en profondeur. On s’offusque sur l’instant, on rit sous cape parfois. Et le quotidien reprend tranquillement son cours. Raison pour laquelle la création artistique joue un rôle fondamental dans la défense des droits de la femme, quelle que soit la forme. Pour vous en convaincre, Vents d’Orage n’a plus bel exemple à vous recommander que la pièce écrite et mise en scène par Pierre Notte. Un propos d’une efficacité redoutable à dire les mesquineries, les agressions et les bassesses. Un verbe tranchant comme un couperet, fulgurant, coup de poing qui donne enfin la parole à une anonyme, un personnage qui par son expérience personnelle magnifie à sa façon une épreuve d’une triste universalité. Muriel Gaudin avance sur le fil du rasoir, scande un texte telle une mitraillette, donne chair, sueur, larmes et mots à une femme qui refuse le combat, au point de désarçonner jusqu’à la folie ceux qui croiseront son chemin et se croyaient souvent autoriser à… Elle refuse le combat comme elle refuse de désaimer les hommes. Elle veut comprendre la mécanique, le désir, les pulsions.

Mais plutôt que de trop vous en révéler, écoutons plutôt ce que Pierre et Muriel ont à nous dire de « L’histoire d’une femme« . Rencontre au Théâtre du Rond-Point pour un combat qui dieu merci n’en est pas vraiment un. Vents d’Orage s’en est allé titiller le créateur et sa comédienne, pour qu’ils nous électro-choquent :

 

 

 

Le pitch : C’est l’histoire d’une femme, elle n’a pas de nom. Une femme jeune, trente ou quarante ans, elle doit vivre chaque jour les attaques, atteintes à sa dignité de femme, à son intégrité, dans le métro, dans sa famille, dans son travail, les allusions, les sous-entendus, les insultes qui prolifèrent dans un monde d’hommes, société machiste, phallocrate, sexiste.

Elle ne veut pas lutter, ce serait cautionner la bataille, en accepter la légitimité, alors elle sort du système, elle quitte le schéma quotidien des réflexes sexistes, elle se tait, elle s’absente, elle refuse toute relation avec les hommes, son père, son frère, le patron, le buraliste, le passant, le clodo, le médecin. Pour autant, elle veut vivre, et jouir, aimer, désirer, elle n’a aucune raison de se priver de ce que les hommes peuvent lui apporter (eux qui transforment facilement les femmes, sans que la société ne les condamne, en objets de plaisirs).

 

 

Auteur : Pierre NOTTE
Mise en scène : Pierre NOTTE
Avec : Muriel GAUDIN

Extraits : (…) 1. ça se passe n’importe où dans une rue à l’extérieur je tombe je suis tombée un type est passé à vélo devant moi juste là je traversais il a fait ça en passant il a claqué sa main il a, comment je peux dire ça il m’a claquée là, sur les fesses en passant à vélo et il a ri fort très fort  il a claqué très fort et il a ri très fort aussi et il est parti et je suis tombée, voilà comment je suis tombée je suis à terre et je ne réponds plus (…)

(…) quand je ne suis pas en femme, dit le travesti, on m’insulte ou on me frappe, c’est ça la réponse, on me chie sur la gueule toute la journée, on se fout de moi tous les matins au café, j’y ai droit les insultes, le mépris les regards, mais à trois heures quand je suis une femme et ben là les hommes ne sont plus du tout les mêmes, ils sont à mes pieds tout d’un coup, voilà c’est tout, et moi j’aime bien ça, ils sont gentils avec moi sauf quelques-uns mais j’ai moins peur et je sais me défendre, mais presque tous ils veulent de l’amour, c’est tout ce qu’ils demandent, de l’amour et de l’amour sous toutes les coutures, et même des fois sous des coutures un peu bizarres bon ben ça on n’y échappe pas, mais quand même c’est toujours de l’amour, le vrai problème et c’est ça qui peut faire mal et qui peut mal tourner, le vrai problème, c’est qu’ils ont honte, ils ont tellement honte (…)

Calendrier des représentations :
Du jeudi au dimanche jusqu’au 7 mai 2017

Théâtre de Poche Montparnasse
75, bd du Montparnasse
75006 Paris

David Fargier – Vents d’Orage