La machine de Turing

La machine de Turing

L’expression populaire « chacun sa croix » trouve tout son sens pour le personnage d’Alan Turing.  L’Histoire a longtemps passé son silence son existence même, au point que la machine qu’il conçut éclipsa son prénom des décennies durant. Mathématicien et cryptologue britannique, son rôle eut pourtant un impact décisif sur l’issue de la Seconde Guerre Mondiale. Et il fallut attendre que soient déclassifiées les archives secrètes relatives au projet Enigma pour qu’on s’intéresse à nouveau à ce qu’il fut et ce qu’il fit, avec pour heureuse conséquence, sa réhabilitation par la reine Elisabeth II. Non seulement Turing parvint à casser le code des armées du Reich mais il posa les fondements intellectuels qui mèneront à l’invention de l’ordinateur.

Le film qui lui fut consacré en 2004 s’attachait à mettre en avant la relation qu’il avait entretenue avec une jeune diplômée de Cambridge, Joaan Clark. Une relation comme un écran de fumée pour détourner l’attention de son homosexualité. La pièce écrite par Benoit Solès se montre plus ambitieuse et plus courageuse, en ce sens qu’elle met au grand jour les relations masculines de Turing. Pas seulement amoureuses, bien évidemment.  Dans une mise en espace et une scénographie ciselées, Solès nous embarque au cœur de l’émotion, incarnant lui-même un Alan Turing brillant, fantasque, drôle et attachant, dont les choix de vie -et pourrait-on presque dire de mort- donnent à réfléchir. A réfléchir sur le sens de l’engagement et le courage d’affronter le regard de la société, d’être qui l’on est vraiment au risque d’y laisser sa réputation et sa peau.

Magnifiquement épaulé par Amaury de Cravencour qui porte sur ses épaules tous les autres personnages, masculins donc, le parcours romanesque de Turing se déploie sur scène bien au-delà des faits historiques que l’on connait désormais. Le comédien parvient avec subtilité et délicatesse à se fondre dans les rôles du compagnon, du lieutenant et du collègue, et à les fondre entre eux, ce qui constitue l’une des belles originalités de ce spectacle dont le succès ne se démentira pas et fera certainement faire le tour du monde à ces deux complices pour des années encore. Vents d’Orage voulait vous faire partager la genèse et les secrets de ce projet ; écoutons les deux protagonistes nous révéler les dessous de l’affaire :

 

Le pitch :
Turing a construit une machine pensante qui se révèlera être le premier ordinateur. Contraint au silence par les services secrets, il fut condamné pour homosexualité, avant de se suicider en croquant une pomme empoisonnée rappelant étrangement un célèbre logo…

« Vous est-il déjà arrivé de détenir un secret, un grand secret ? Non ? Dans ce cas, vous ignorez combien il peut être difficile de le garder pour soi. De toutes les choses immatérielles, le silence est l’une des plus lourdes à porter.

Et justement, ma vie était remplie de secrets…

Avez-vous déjà entendu parler de l’Enigma ?

Bien sûr que non, comment le pourriez-vous ?

Alors, c’est le moment d’être bien attentif. »

 

La machine de Turing
Auteur : Benoit Solès
Mise en scène : Tristan Petitgirard
Avec : Benoit Solès et Amaury de Crayencour

Jusqu’au 31 décembre 2018, du mardi au dimanche

Théâtre Michel
38 rue des Mathurins
75008   Paris

David Fargier – Vents d’Orage