Maya Rochat, Rineke Dijkstra et Rosa Joly, trois artistes européennes inspirantes à la MEP

Du 7 juin au 10 octobre 2023, la Maison Européenne de la Photographie nous fait découvrir deux expositions Galeries étonnantes : Maya Rochat qui nous présente sa première exposition institutionnelle intitulée Poetry of the Earth, et l’artiste néerlandaise Rineke Dijkstra qui a conjugué photo et vidéo pour nous proposer I See You.

A chaque création, Maya Rochat est mue par la volonté d’offrir le même plaisir de la création au spectateur. L’artiste conduit le spectateur à interpréter librement chaque œuvre, elle souhaite faire sortir l’image du cadre créant ainsi un univers autour du thème de la nature qui est propre à l’imagination de chacun. L’exposition est éclectique car elle retrace le parcours de Maya Rochat sur plus de dix ans, chaque salle étant associée à un corpus d’œuvres qu’elle a réalisé sur plusieurs années.

De 2015 à 2017, l’artiste réalise The Rock is a River à partir de clichés de ses voyages. A partir de là, elle compose des œuvres qui montre une nature modifiée, métamorphosée qu’elle compare à une nature géologique composée de plusieurs strates. Cette collection fait appel à l’imaginaire du spectateur qui se retrouve plongé dans un monde abstrait dans lequel la nature cohabite avec le rêve. L’artiste ajoute et retire de la matière en appliquant des substances chimiques, de la colle ou de la peinture, elle choisit aussi de découper pour mettre en lumière certaines parties des œuvres et donner du relief.

Entre 2018 et 2020, Maya Rochat produit des œuvres réalisées en direct et créé sa collection Living in a Painting. Elle allie ingénieusement des pigments et de l’eau pour créer des œuvres abstraites et hypnotisantes aux couleurs tantôt vives tantôt chromées. La collection prend toute une pièce qui est plongé dans un univers poétique et coloré envoutant. 

La progression se poursuit avec Vote for me ! une collection qui réunit les premières œuvres de l’artiste et qui nous permet de mieux connaitre son univers et de comprendre d’où vient son inventivité. Cette collection réalisée entre 2011 et 2016 se démarque des autres : elle est plus violente, plus revendiquée, plus idéologique. On y découvre une artiste révoltée qui illustre sa colère par l’art en laissant la poésie de côté pour créer des œuvres assumées et graphiques, aux couleurs fluos et aux angles piquants et pointus. Cette époque marque aussi son entrée dans un monde avec lequel elle est en désaccord plus qu’en harmonie. Son art est aussi un moyen de faire passer ses idées et entrainer un questionnement chez le spectateur sur des grands sujets de société qui la touchent, comme la place des femmes ou encore la société néolibérale individualiste.

Les deux dernières salles nous montrent une artiste apaisée et plus que jamais créative. Elles regroupent sa nouvelle série Poetry of the Earth, dans laquelle elle allie photographie, collages vidéo et accorde une place importante à la lumière et ses variantes pour illustrer une nouvelle fois la nature. La conjonction de ces techniques avec les films holographiques, polarisants et avec le papier métallisé laisse place à des œuvres originales qui montrent une nature qui, bien que modifiée, reste époustouflante.

Cette modification de la nature dans son art est aussi pour elle un moyen de rappeler l’action de l’homme sur cette dernière. Elle a par exemple travaillé avec la Société de Mycologie de Bevaix pour obtenir des clichés de plantes et champignons, lui permettant de réaliser une partie de ses œuvres.

L’artiste a utilisé du sel, dont les angles contrastent avec la rondeur et les courbes des plantes et des animaux. Rochat cherche aussi à interroger le spectateur et à lui « donner envie de voir », c’est pourquoi elle a utilisé des filtres polarisants sur certaines œuvres qui changent de couleur suivant le point de vue adopté.

La dernière salle est réservée à une vidéo qu’elle a créée pour plonger le spectateur dans une immersion totale avec des tapis et des coussins aux couleurs de ses œuvres, et une musique apaisante composée par ses amis spécialement pour l’expositions. Dans cette vidéo, Rochat a joué avec la superposition en mélangeant des images d’un parc d’attraction ou de technologies avec la nature. Ainsi, elle nous montre comment elle perçoit la réalité, voire la dépasse pour en proposer une nouvelle version qui questionne le spectateur sur le rapport monde-nature et entame une réflexion sur le Beau.

La deuxième exposition Galerie proposée par la MEP est réalisée par Rineke Dijkstra, une artiste néerlandaise qui nous montre à travers quatre grandes œuvres la sensibilité et l’inventivité dont peuvent faire preuve les enfants. Ses quatre œuvres se concentrent autour de deux sujets : l’interprétation d’une œuvre de Picasso par des enfants en visite au musée avec leur professeur et le cours de danse et de gymnastique de jeunes filles. Elle souhaite créer des œuvres émotives, qui stimulent les sens, c’est pourquoi elle a souhaité mettre en lumière les réactions des enfants et leurs différences face à des situations données.

Les deux premières œuvres se concentrent donc autour d’un groupe d’élèves à qui on présente la peinture La femme qui pleure (1937) de Picasso. La première vidéo nous montre les réactions des enfants lorsqu’on leur demande : « Pourquoi la femme pleure ? » ou d’autres questions qui portent sur l’œuvre. Leurs réponses sont un moyen de montrer les différences qui existent entre les enfants : certains donnent des réponses touchantes, d’autres sont amusantes, d’autres sont pleines de doutes. Le format vidéo permet de mettre en lumière les différences physiques qui se dessinent entre des individus qui sont en pleine construction physique et mentale. La caméra suit le mouvement de la discussion et se promène entre les enfants en suivant leur flot de paroles.

La seconde vidéo, très poétique, représente une petite fille, Ruth, qui dessine avec attention le tableau de Picasso. La vidéo n’est rythmée que par les coups de crayon de Ruth sur sa feuille.

                                                 

Par ces œuvres, l’artiste souhaite montrer que les enfants regardent une œuvre mais qu’ils sont aussi une œuvre. Cette ambiance qui se créé pendant l’analyse du tableau contribue à créer une atmosphère pour l’œuvre de Rineke Dijkstra. En se déplaçant, l’artiste souhaite créer un environnement sur place et non enfermée dans son atelier.

La seconde partie de son exposition se concentre autour de la gymnastique et de la danse. L’artiste a choisi de mêler photos et vidéos pour nous plonger dans cet univers intransigeant où l’excellence est le mot d’ordre. L’exposition nous fait découvrir Marianna, une jeune danseuse en plein entrainement qui aspire à devenir une des danseuses du ballet Vaganova de Saint-Pétersbourg.

A travers cette vidéo, l’artiste nous montre l’envers du décor de la danse en suivant les expressions de la jeune fille qui ne doit rien laisser transparaitre malgré la fatigue et la lassitude de répéter les mêmes mouvements encore et encore. Les tutu et murs roses nous cachent cette difficulté de la pratique. L’artiste raconte également le contraste entre l’avant, le pendant et l’après répétition : une fois l’entrainement terminé, la fillette se relâche et exprime sa fatigue qu’elle avait refoulée, contrastant avec la qualité de l’entrainement.

                                                                      

Les photos et vidéos suivantes retracent l’entrainement de jeunes gymnastes, qui est analysé sous trois point de vue pour capter au mieux leurs mouvements. A travers ces œuvres, Rineke Dijkstra cherche à montrer que derrière ces jeunes qui performent se cachent des enfants qui ont aussi le droit de se détacher de cette vision parfaite d’eux-mêmes qu’ils doivent entretenir.

Une autre exposition appelée « Auf dem Zahnfleisch » est proposée au Studio, un espace dédié à la création émergente, pour soutenir Rosa Joly. L’artiste nous expose une installation avec une approche sensuelle, en mélangeant les matières et les inspirations. Par cette exposition, Rosa Joly nous laisse découvrir son univers sensible et contemplatif et nous emmène dans une réflexion autour du rapport entre le corps et l’objet.

Apolline d’Hoop

Du 7 juin au 1er octobre 2023 pour les expositions Galeries

Du 7 juin au 16 juillet 2023 pour l’exposition Studio

Maison Européenne de la Photographie, 5/7 rue de Fourcy, 75004 Paris

Horaires d’ouverture : Mercredi et vendredi 11h – 20h ; Jeudi 11h – 22h ; Le week-end 10h – 20h (Créneau réservé aux abonnés le dimanche de 10h à 11h) ; Fermé lundi et mardi