Miss Nina Simone

Toute la puissance d’un spectacle vivant tient finalement à peu de choses. Peu de choses qu’il est pourtant tout sauf aisé de parvenir à réunir. Ici tout particulièrement, quand il s’agit de s’emparer d’un tel mythe. Les naïfs ou les néophytes rétorqueraient qu’au contraire, le matériau se suffit à lui-même, qu’il n’y a qu’à se laisser porter. Que nenni !

Anne Bouvier, récemment et fort logiquement récompensée pour sa prestation dans « Mademoiselle Molière », compte parmi les metteurs en scène de poids. Si j’avais adoré son travail pour « Un Picasso »… ce spectacle tient du petit miracle. Une scénographie maline permet au plateau de simuler tantôt l’intérieur feutré de la maison bourgeoise qu’occupait Nina Simone à Marseille dans les dernières années de sa vie, tantôt une loge, tantôt une scène de concert. Un jeu de lumières tout en clair-obscur, une atmosphère embrumée, griffée de quelques traits, alliés à une musique jouée live et dont les arrangements donnent une modernité, une intemporalité aux compositions sophistiquées dont l’acariâtre mais aimante star avait le secret… rien n’est laissé au hasard.

Et puis bien sûr, ce théâtre musical, construit en différents tableaux intimistes, n’atteindrait pas les sommets sans la présence d’un tandem exceptionnel de comédiens. La vie de l’une si subtilement dévoilée dans son rapport à la fois cruel et presque maternel, à l’autre. La voix de Jina Djemba porte en elle toute la complainte du blues, la lassitude et la moiteur des champs de coton. Le travail ciselé de Valentin de Carbonnières, alternant soumission, tendresse, révolte, délicatesse et mille autres facettes encore, fera le reste. Ils font corps, l’électron libre rattaché à son noyau par une force mystérieuse qui s’appelle… l’amour. La nature et la réalité-même de cette liaison importent peu. Elle révèle l’être d’exception, dans toute sa complexité.

Le pitch : Le destin incroyable et pathétique d’une musicienne noire durant la ségrégation. Nina Simone ou le génie d’une femme révoltée devenue une légende du jazz, interprétée par Jina Djemba, à la fois excellente comédienne et chanteuse.

C’est d’abord l’histoire d’une femme magnifique de contradictions, un génie de la musique empêché de par sa couleur de devenir une pianiste classique. Une africaine qui revendique courageusement ses racines. Une grande amoureuse à l’humour foudroyant qui s’est noyée dans l’alcool et les médicaments. Une femme souffrant de bipolarité. Cette relation de confiance et d’amitié qui va se tisser avec Ricardo, son intendant, donne à voir la face cachée et plus intime de ce personnage hors du commun.

La pièce tout comme le roman de Gilles Leroy commence par la fin. Nous suivons les derniers moments de la vie de la légende du Jazz que fut Nina Simone.

David Fargier – Vents d’Orage

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Miss Nina Simone

Auteur : Gilles Leroy ; Mise en scène : Anne Bouvier ; Avec : Jina Djemba, Valentin De Carbonnières, Paul Nguyen et Julien Vasnier

Jusqu’au 3 janvier 2021, du jeudi au dimanche

La Scène Parisienne, 34 rue Richer, 75009 Paris

Réservations