Plantu-Reza : regards croisés, une exposition fraternelle

Du 10 mai au 31 décembre 2023, rendez-vous au Musée de l’Homme pour y retrouver Plantu-Reza : Regards croisés, l’exposition associant la photographie au dessin militant à ne pas manquer !

« J’ai le sentiment de partager avec Plantu une forme de compréhension du monde », dit Reza.

En effet, lorsque le regard empathique du photojournaliste franco-iranien exilé en France depuis quarante-deux ans, rencontre l’impertinence de celui de Plantu, dessinateur de presse, les similitudes et la complémentarité de leur travail est troublante. Leur chemin ne se croise pourtant qu’en avril 2011 aux Rencontres internationales du dessin de presse, au Mémorial de Caen. A ce moment-là, les carrières du dessinateur du Monde et du photojournaliste de National Geographic, sont bien lancées.

Reza Deghati, correspondant de paix comme il aime s’appeler,  « montre en image ce qui [l]e touche : la beauté et l’injustice » et tente d’ « expliquer l’Histoire à travers les humains ». Plantu, de son vrai nom Jean Plantureux, « pense en images » et illustre pendant plus de 30 ans la une du journal Le Monde. Ses dessins – plus de 20 000 – représentent une documentation titanesque des bouleversements de notre société contemporaine. Après avoir parcouru plus de 100 pays sur le terrain, illustré d’innombrables unes du Monde et s’être replongé dans leurs archives, Reza et Plantu ont découvert des points communs insoupçonnés dans leur travail. L’exposition permet de revenir sur ces similitudes et la complémentarité de leurs expériences artistiques et humaines.

Guidés par leur engagement citoyen et leur défense de la liberté, les deux artistes s’associent alors pour mettre en lumière leur démarche pédagogique et le message d’espoir qu’ils portent. Grâce au pouvoir des images, l’exposition Plantu-Reza : Regards croisés du Musée de l’Homme revient alors sur les grands évènements ayant marqué notre société ces cinquante dernières années. En associant la photographie au dessin, deux formes d’expression artistique, les regards sont tournés vers les menaces à la liberté d’expression et à l’environnement, les conflits, la migration et les inégalités du monde telles que celles de l’accès à l’éducation et aux ressources ou encore la place des femmes dans la société.

Un ensemble de thématiques que les deux artistes ne connaissent parfois que trop bien, surtout lorsqu’il s’agit de liberté d’expression. En effet, après avoir affiché ses photographies – qui n’étaient pas au goût du régime autoritaire du Chah d’Iran, Mohammed Reza Chah – sur les murs de l’Université de Téhéran dans laquelle il étudiant en Iran, Reza est emprisonné pendant trois ans et torturé dès 1974, à l’âge de 22 ans. Plantu pour sa part, a vécu les attentats de Charlie Hebdo de janvier 2015 comme une atteinte directe à son moyen d’expression de prédilection, le dessin de presse. Dans ce contexte, la création artistique se transforme en une arme, où l’artiste peut devenir la cible de représailles. Malgré cette cruelle conclusion, Reza et Plantu n’ont cessé de créer tout en reconnaissant le pouvoir qui leur était conféré : informer, partager la beauté du monde et faire entendre la voix de ceux qui ne peuvent s’exprimer.

Leur œuvre « Sans en comprendre les raisons » associe un cliché de Reza pris en 2013 à un dessin de Plantu réalisé en 1981. On y voit d’un côté la sombre réalité du terrain où un enfant de moins de dix ans, pelle à la main, travaille en Irak, et de l’autre côté l’image de l’enfant-roi. Les photographies de Reza et le témoignage qu’elles représentent résonnent dans l’art de Plantu qui se veut plus distancié et dérisoire. Néanmoins, les traits de Plantu vont au-delà de l’actualité, tout comme les photographies de Reza, elles dénoncent une réalité qui est ancrée, voire parfois acceptée ou oubliée. « Les enfants sont les premières victimes de l’exil : ils ont vu, vécu et ressenti la peur, la violence, le chagrin, sans en comprendre les raisons » exprime Reza. Ces raisons, qui sont souvent économiques, éducatives, politiques ou sociales, creusent le fossé entre les différentes populations et donnent lieu à des images révoltantes. L’exposition souhaite amener une certaine prise de conscience, un dialogue à l’égard de l’état du monde. Leur idée, c’est de « faire des ponts quand les gens construisent des murs » et cela passe notamment par l’éducation. C’est dans cette démarche pédagogique que Reza a fondée en 2001 l’association humanitaire Aina – qui forme la population afghane aux métiers de l’information – et en 2014, l’association Les Ateliers Reza/ Reza Visual Academy qui promeut l’éducation à la culture et la formation des populations défavorisées à travers le monde aux différents outils d’expression – dont la photographie. Plantu, de son côté, défend la liberté d’expression des dessinateurs de presse grâce à son association Cartooning for Peace cofondée en 2006 et accompagne les jeunes exclus ou isolés, les victimes d’attentats et leurs familles avec sa Fondation Plantu depuis 2019.

Les deux artistes reconnaissent le pouvoir militant et progressiste de l’image. Ce sont alors deux regards sur le monde qui se croisent, se confondent, s’interpellent et se questionnent : l’appareil photo ou le crayon à la main, l’alliance est impressionnante et la visite enrichissante.

Maya Choserot

Commissariat : Aurélie Clemente-Ruiz, directrice ; Hannah Froidevaux, chargée de conception et de production – Equipe projet Musée de l’Homme : Nala Adoudat, responsable des expositions ; Véronique Declercq, régisseure ; Madeleine Chauveau, assistante conception et production – Equipe projet artistes : Rachel Deghati, agence Webistan ; Agnès Vergez, agence BITL – Graphisme : Benjamin Riou

Du 11 mai au 31 décembre 2023

Musée de l’Homme – 17 place du Trocadéro, 75016 Paris  

Ouvert de 11h à 19h sauf mardi

https://www.museedelhomme.fr/fr/plantu-reza-regards-croises