1963-2023 – l’exposition rétrospective
Les galeristes-collectionneurs Mathilde et Gautier Jourdain, curateurs de l’exposition, ont réuni avec la complicité de ZLOTY, une centaine d’œuvres originales (1958-2023) issues de diverses collections privées, certaines « historiques », d’autres jamais exposées, ainsi que des vidéos et photos d’archives. Cette exposition qui s’adresse autant aux amateurs qu’aux collectionneurs d’art urbain et contemporain entend montrer le travail et raconter la démarche d’un artiste majeur, mais discret, qui a toujours évolué en dehors des radars, des projecteurs et des diktats du marché de l’art.
Le parcours entraîne le visiteur dans la vie de l’homme et de l’artiste, montre la diversité des supports ou matériaux utilisés par Zloty (matelas, palissade, poubelles, etc.). Une salle est dédiée à la poire à lavement que l’artiste utilise depuis ses débuts et qu’il considère comme le prolongement de sa main. Un film inédit réunit des témoignages de collectionneurs, d’amis et de personnalités du monde de l’art. On y voit Gérard Zlotykamien dans son atelier ou peignant dans la rue, et finalement permet une rencontre au plus près avec l’artiste et l’homme.
1963 : la naissance d’un art « hors les murs » et libre
En 1963, pour se préparer à exposer à la 3ème Biennale de Paris au musée d’Art moderne au côté de cinq autres jeunes artistes dont Eduardo Arroyo et Pierre Pinoncelli, Gérard Zlotykamien se rend en Angleterre où il réalise en toute liberté ses premières interventions picturales dans la rue à l’aide de poires à lavement remplies de peinture acrylique. En septembre de la même année, lors de la Biennale de Paris, une œuvre d’Arroyo est censurée par le ministère de la Culture pour des raisons diplomatiques. Profondément indigné par cette décision, Gérard Zlotykamien décide alors de prendre ses distances avec le monde de l’art et ses conventions. Il réalise que lors des expositions collectives, les artistes se battent pour que leurs œuvres soient le plus près possible des vitrines. Alors, autant peindre directement dans l’espace public, là où on peut être le mieux vu et par le plus grand nombre ! Sans le savoir, il donne ainsi naissance à ce qui deviendra, bien plus tard, le Street Art. Depuis 1963 et encore aujourd’hui à plus de 80 ans, avec frénésie et une grande constance, il trace librement dans les rues ses figures évanescentes qu’il nomme « Éphémères ».
Les « Éphémères »
Sur les murs lézardés de lieux abandonnés ou destinés à la destruction, sur des matelas, des cartons ou tout autre type d’encombrants, les « Éphémères » de Zloty nous rappellent la fragilité et la fugacité de l’existence, évoquant toutes les formes possibles d’effacement et de disparition. Pour Gérard Zlotykamien, ses œuvres n’entendent pas affirmer une seule vérité mais une seule certitude : chaque être vivant, quelle que soit la durée de sa vie, est simplement de passage. Nous sommes tous des « Éphémères ». Depuis plus de 60 ans, l’œuvre de Gérard Zlotykamien n’a cessé d’évoluer. Ces ombres, souvenirs, hommages ou fantômes que l’artiste continue inlassablement de dessiner dans l’espace public ou en atelier montrent combien l’être humain cherche à sa propre destruction.
Gérard Zlotykamien
Né en 1940 à Paris, Gérard Zlotykamien vient d’une famille juive d’Europe de l’Est. Séparé de ses parents à l’âge de 2 ans, il échappe de peu à la déportation et est placé dans une famille d’accueil peu recommandable jusqu’à la fin de la guerre. Après la Libération, il retrouve ses parents, les seuls survivants de sa famille, car les autres membres ne sont jamais revenus des camps. Cette expérience traumatisante de violence, d’injustice et de cruauté marque profondément Gérard Zlotykamien. Tout au long de sa vie, il sera hanté par le souvenir des victimes innocentes, que ce soient celles d’Hiroshima, des génocides, du Vietnam, de l’Apartheid, d’attentats ou de la guerre en Ukraine. Il se demande pourquoi l’humanité a tant besoin de se détruire.
Du 23 septembre au 28 octobre 2023
Galerie Mathgoth, 1 rue Alphonse Boudard, 75013 Paris
du mercredi au dimanche de 15h à 19h
photos : Véronique Spahis