Trois expositions en une, c’est le pari du musée de l’Imprimerie et de la communication graphique qui accueille cette année une exposition haute en couleurs du 7 avril ou 3 septembre. RVB se tiendra donc tout l’été pour ravir les visiteurs qui souhaiteraient colorer leur journée le temps d’une exposition. RVB pour Rouge, Vert, Bleu, les trois couleurs primaires de la lumière, RVB pour le nom du procédé de synthèse additive des couleurs.
Pari gagné pour le musée qui réussit à nous surprendre, à nous émerveiller à coup de pinceau ou plutôt à coup d’encre. L’exposition aborde notre perception de la couleur, la façon dont notre système de vision nous rend sensible à la lumière et à la composition de la lumière en longueurs d’onde, en spectre de lumières colorées. Elle revient sur l’origine des couleurs théorisée par Newton dont les artistes se sont inspirés pour reproduire des images en couleur en les combinant. Elle fait également la lumière sur les différentes techniques d’impression de la lithographie à la chromolithographie et sur les instruments de reproduction des couleurs au XXème siècle. Enfin, elle questionne les rôles sociaux et politiques des couleurs en nous plongeant dans l’univers de trois artistes : Stephen King, Véronèse et Maggie Nelson dont les travaux constituent la trame de l’exposition.
Le premier espace est dédié au vert Véronèse, une teinte spécifique utilisée par le maitre-italien dans ses tableaux du XVIème siècle. Une salle entière est consacrée à l’auteur des Noces de Cana, figure de la peinture vénitienne et du courant maniériste au talent de coloriste et à sa Lucrèce, à la comtesse Livia da Porto Thiene ou à Vénus et Adonis imprimés. Motif dramatique et emphatique dans l’œuvre de Véronèse, le vert peut-il transmettre les mêmes sensations au spectateur lorsqu’il est issu d’une impression ? Tel est l’enjeu de cette partie de l’exposition. La modernité des techniques d’impression accolée à une peinture induit-elle une détérioration ou une sublimation de la couleur ? Le vert éclatant qui attire notre regard tandis que nous entrons dans la salle semble faire pencher la balance du côté de la seconde option.
Un retour sur l’Histoire du vert est également effectué, sur son évolution depuis le Moyen-Age où il est teinté de gravité et de danger, où il est associé à la figure du serpent ou de la sorcière jusqu’à l’époque contemporaine et à son association quasi systématique à la Nature. Le périple est scindé en étapes parmi lesquelles les premières scènes culte de Matrix ou Titanic filmées sur fond vert, la prépondérance du vert dans le jeu vidéo Zelda ou encore la symbolique du vert dans Vertigo d’Alfred Hitchcock. Le tout accompagné de notices explicatives qui nous permettent de comprendre comment cette couleur se forme dans notre imaginaire collectif et de quelle façon elle investit nos visions graphiques.
Le rouge est à l’honneur dans le second espace, le plus grand, comme pour faire écho à la primauté de cette couleur dans les premières civilisations occidentales. Le visiteur voit ici le rouge au sein du prisme de Stephen King. Loin de son caractère sanglant et grandiose qui lui est souvent associé, le rouge de King est avant tout un rouge sentimental, mélancolique, indissociable d’un passé malheureux. C’est le rouge de la voiture emblématique dans Christine, celui de l’humiliation de Carrie ou celui de l’affiche du film The Dead Zone. Mais l’exposition ne s’arrête pas à la prolifique carrière de Stephen King, elle aborde le constructivisme russe et sa signature graphique, l’ambivalence de la rose rouge entre douceur et violence ou la dureté de l’encre rouge dans l’œuvre de Françoise Pétrovitch.
Enfin, apparait le bleu dans la troisième partie de l’exposition dont la visite est ponctuée de fragments du livre de Maggie Nelson, Bleuets, un livre confession autour du pouvoir de réminiscence de cette couleur. Bien-aimée des populations européennes, elle a habillé les classes paysannes comme bourgeoises et aristocrates, elle a soutenu les vagues à l’âme de toute une génération de romantiques et inspiré le blues des années 1980. Elle met tout le monde d’accord en parlant à la fois aux amateurs de tranquillité comme de remous. L’exposition évoque le caractère mouvent du bleu qui vogue d’œuvre en œuvre, du Triptyque bleuté de Matthieu Astoux à la blouse de la chirurgienne Margherita Lambertini sur la photographie d’Aberto Giulina en passant par les formes géométriques d’Aurèlie Nemours.
Pour lier ces trois parties de l’exposition, le travail de Sara de Gouy, designeuse d’espace et architecte qui travaille la couleur dans sa matérialité et comme un moyen d’échange. Le visiteur peut découvrir dans chaque salle une de ses œuvres parmi Archisculptures, Chromatik thérapie et Entre-temps qui, toutes trois, étudie la couleur dans sa dimension esthétique et collaborative et vectrice d’imaginaire.
Cassandre Specty
Du 4 avril au 3 septembre 2023
Musée de l’Imprimerie et de la communication graphique, 13 rue de la Poulaillerie, 69002 Lyon
Ouvert du mercredi au dimanche de 10h30 à 18h00
https://www.imprimerie.lyon.fr/fr/edito/rvb-rouge-stephen-king-vert-veronese-bleu-maggie-nelson