La sculpture polychrome en France 1850 / 1910
Dans ses Métamorphoses André Malraux imaginait (mais faut-il le croire ) la stupeur puis l’émerveillement de Raphaël Sanzio, de Michel-Ange Buonarotti, de Cellini et quelques autres en découvrant, exhumée des fouilles archéologiques une statuaire blanche, des antiques deux fois nus.
Nus parce que nus et nus mais aussi parce que débarrassés de la couleur qui les avaient un temps habillés pour faire plus vrai.
À partir de cette redécouverte et pour des siècles les sculpteurs oublieront la couleur.
L’exposition de ces sculptures polychromes a le mérite de montrer qu’un autre choix était possible pour la sculpture, presque un autre destin en tout cas un autre dessin.
Une vie possible à côté d’une sculpture qui, enfermée dans ses dogmes, deviendra académique.
À la faveur d’un siècle qui s’invente de nouveaux rêves, la couleur revient non plus surajoutée, mais associée à l’œuvre même.
Contemporaine de l’expansion coloniale européenne, conséquemment contemporaine du goût pour l’orientalisme et pour tous les exotismes, contemporaine aussi du mouvement symboliste, cette sculpture sera métisse.
En faisant appel pour une seule sculpture à plusieurs matériaux, elle ouvre de nouveaux chemins pour un nouvel imaginaire.
Elle n’hésitera pas à associer des marbres de différentes sortes et couleurs, des marbres et des pierres semi-précieuses, des marbres et des bronzes bruns, verts ou dorés parfois rehaussés de décors peints ou incrustés. Degas ira plus loin et provoquera le scandale en coiffant sa petite danseuse de vrais faux cheveux et en l’habillant d’un vrai faux tutu de tulle.
La sculpture polychrome, en marche vers un art nouveau quand elle croisera à la fin du XIXème siècle le travail des symbolistes et celui des Nabis, sera porteuse non pas d’un nouveau réalisme, d’une sorte de « vérisme » mais de ce qu’un certain cinéma, bien plus tard, appellera le réalisme poétique. Un réalisme pas réaliste.
Ils s’appelaient Jean-Léon Gérôme, Louis-Ernest Barrias, Jean-Désiré Ringel d’Illzach, jean Carriès, Henry Cros ou encore Paul Gauguin.
ils ont osé transgressé les règles de l’art. Ils ont osé introduire une forte proportion de bronze seul autorisé jusque là à être associé au marbre à condition que ce soit à doses infimes.
Ils ont tenté de sortir la sculpture et les sculpteurs des sujets mythologiques cent fois rabâchés, de les amener à dire le monde qui advenait, à tourner leur regard vers l’Orient, l’Afrique, l’Amérique, les îles du Pacifique.
Leur aventure a fait long feu.
Un seul a laissé son nom à la postérité : Paul Gauguin et encore pas comme sculpteur.
Ce XIXème siècle prometteur de pluralité et qui dans d’autres domaines aima tant la fantaisie, ne retiendra en définitive que le seul « Grand Art » celui de Carpeaux, de Rodin ou de Bourdelle.
Jusqu’au 9 septembre 2018
Musée d’Orsay
1 Rue de la Légion d’Honneur, 75007 Paris
de 9h30 à 18h (21h45 le jeudi) – fermé le lundi
Pierre Vauconsant