Sur le motif. Peindre en plein air (1780–1870)

Nous sommes au dix-neuvième siècle. L’usage de l’esquisse à l’huile en plein air fait partie intégrante de la formation des paysagistes européens. À la croisée de la peinture et du dessin, ces études de petit format sont généralement exécutées sur papier. Peintes rapidement sur le motif, elles ont pour objectif d’exercer l’œil et la main à saisir les fugitifs effets de lumière et de couleur. Parfois terminées ultérieurement en atelier, elles ne sont toutefois pas conçues comme des œuvres finies destinées à être exposées ou vendues. Elles constituent pour l’artiste de précieuses références sur lesquelles il se base pour donner à ses travaux plus formels fraîcheur et immédiateté.

L’esquisse de plein air à l’huile, sur papier ou sur toile, est adoptée par des artistes originaires de l’Europe entière, et au-delà.

Dans l’exposition Sur le motif. Peindre en plein air (1780–1870) – qui réunit plus de cent cinquante études à l’huile appartenant à la Fondation Custodia à Paris, à la National Gallery of Art de Washington, au Fitzwilliam Museum de Cambridge et à une collection particulière –  on trouve des œuvres de Pierre-Henri de Valenciennes, Achille-Etna Michallon, Camille Corot, Rosa Bonheur, John Constable, Joseph Mallord William Turner, Christoffer Wilhelm Eckersberg, Johan Thomas Lundbye, Vilhelm Kyhn, Johann Martin von Rohden, Carl Blechen et bien d’autres encore.

Le parcours n’est ni chronologique, ni organisé par écoles, mais se structure autour des motifs abordés : arbres, rochers, l’eau sous ses multiples formes, volcans, ciels, toits, Rome et la Campagne romaine, Capri. Un beau voyage à suivre….

Peindre en plein air

Une première section pose, par le biais d’un ensemble très diversifié d’esquisses à l’huile, la question essentielle du sens : que veut dire « peindre en plein air » ? Évoquant la sensation née de la confrontation avec la nature, ces œuvres engagent également le visiteur à s’interroger sur les modalités pratiques du travail en extérieur. Les artistes avaient en effet à transporter le matériel nécessaire sur des trajets parfois fort longs pour atteindre des lieux reculés.

Les éléments naturels – arbres, eau, rochers, ciels et effets atmosphériques

Un intérêt croissant pour la nature et pour des sciences d’apparition récente, comme la météorologie et la géologie, contribuèrent au développement de la peinture de paysage. Cette curiosité empirique offrait aux peintres de plein air les clefs nécessaires à la compréhension des éléments naturels constituant la matière première de la peinture de paysage. Arbres, eau, rochers, ciels, effets atmosphériques font ainsi chacun l’objet d’une section en propre.

L’arbre

L’arbre constitue, pour le peintre de paysage, un motif fondamental. Valenciennes engageait son lecteur à peindre de minutieuses études d’arbres isolés ou en groupes, et d’en restituer fidèlement et dans les moindres détails l’écorce, les mousses, branches et racines, et plus encore les feuillages.

Eaux : cascades et rivages

Motif particulièrement séduisant, l’eau confrontait le peintre de plein air à de multiples défis : dépeindre la déconcertante transparence d’un élément insaisissable dans ses perpétuelles métamorphoses et la gageure de restituer à l’huile le rythme envoûtant des vagues, des courants et de la houle.

Rochers, cavernes et grottes

Formes, couleurs et textures de la croûte terrestre constituaient, par leur variété, un sujet tout aussi fascinant pour une étude de paysage. La superposition des couches stratigraphiques, les formations géologiques, l’érosion des falaises étaient également la base d’une réflexion sur le temps, propre à remettre l’histoire humaine en perspective. La restitution à l’huile des qualités sculpturales d’une roche ou d’un intérieur de grotte constituait de même un défi au savoir-faire de l’artiste.

Ciels et effets atmosphériques

Le ciel, le plus insaisissable de tous les motifs naturels, offrait un inépuisable répertoire d’expérimentations et, aux yeux de Valenciennes, c’est par cette source de toute lumière dans la nature que le peintre se devait de commencer son travail. La rapidité s’imposait pour parvenir à saisir les incessantes métamorphoses de l’ombre et de la lumière en fonction de la course des nuages dans le ciel.

La lumière d’Italie :

Rome et la Campagne romaine

C’est en Italie, qui joue de ce fait un rôle central dans l’histoire de la peinture en plein air, que la plupart des artistes de l’époque s’essayèrent à la méthode. Venus de l’Europe entière, les jeunes peintres affluaient dans la péninsule pour y poursuivre leur formation, poussés vers Rome par le désir de se plonger dans la culture classique et l’étude des maîtres anciens. La présence de sites grandioses et de ruines antiques, la magique lumière du sud et la constance du climat garantissaient un cadre particulièrement favorable pour peindre sur le motif.

Italie du sud : la baie de Naples, les volcans et Capri

Au-delà de Rome, de nombreux artistes poussaient leur périple plus au sud, vers la baie de Naples. Edgar Degas avait des attaches familiales dans la ville et, dans sa jeunesse, y exécuta un ensemble d’études de plein air à l’huile sur papier, restituant à la perfection l’aspect nacré du ciel napolitain. Motif très séduisant, le Vésuve figure dans de nombreuses esquisses peintes dans la région, apparaissant le plus souvent à l’arrière-plan, imposante masse rocheuse en sommeil.

Toits, cours et ruines

Cette dernière section ignore délibérément les évocations classiques de Rome et les paysages d’Italie idéalisés pour se tourner vers des motifs infiniment plus humbles, souvent choisis par les artistes dans leur pays natal : vues de toits impromptues, cours de ferme, édifices délabrés, recoins anonymes

commissariat : Ger Luijten, directeur de la Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris, Mary Morton, conservatrice et cheffe du département des peintures françaises de la National Gallery of Art de Washington et Jane Munro, conservatrice du département des peintures, dessins et estampes du Fitzwilliam Museum de Cambridge.

du 3 décembre 2021 au 3 avril 2022

Fondation Custodia, 121 rue de Lille, 75007 Paris

Ouvert tous les jours sauf le lundi, de 12h à 18h

www.fondationcustodia.fr

photos : Véronique Spahis